Etudiants de la London Business School, dans les années 1970. / John Gay/English Heritage.NMR/Mary Evans Picture Library / Photononstop

Il y a dix ans, lorsque la crise a éclaté, beaucoup ont pointé du doigt les business schools. N’étaient-elles pas les endroits où avaient été formés ceux qui étaient directement responsables de l’une des plus terribles crises ­financières de l’histoire ? N’avaient-elles pas formé par milliers ces financiers et ces consultants qui avaient prêché partout l’évangile de la mondialisation heureuse, de l’enrichissement individuel et de la « comptabilité créative » ?

Plus la responsabilité est collective et partagée, plus l’on recherche des boucs émissaires. Certains ont incriminé plutôt les mathématiciens entrés dans la finance pour repousser toujours plus loin les limites de la spéculation ; mais ils étaient moins nombreux et plus difficilement identifiables que les diplômés des ­business schools.

La crise coïncidait avec le centième anniversaire de la création de la Harvard Business School, la plus célèbre école de management au monde. Et c’est d’Harvard que partirent le mea culpa et la promesse de mettre de l’éthique dans les enseignements, de former désormais des ­cadres responsables, préoccupés du long terme.

A vrai dire, ce sont les étudiants qui ont révolutionné silencieusement les business schools depuis lors : l’audit et la finance font moins ­rêver qu’auparavant ; les grandes entreprises doivent lutter pour attirer et ensuite retenir de jeunes diplômés qui rêvent de créer leur entreprise ou de mettre leurs compétences en management au service du développement durable et du « non for profit » (à but non lucratif).

Une menace implicite rôde, celle de l’obsolescence ; et nulle part elle n’est plus observable que dans la difficulté à ­gagner de l’argent en formation continue – longtemps pourvoyeuse de ressources.

Dix ans après la crise, les écoles de management ont surmonté les critiques adressées par les contempteurs des analyses SWOT (pour « Strengths, Weaknesses, Opportunities, Threats », c’est-à-dire « atouts, faiblesses, ­opportunités, menaces ») et des PowerPoint ­interactifs. Et pourtant, elles n’ont jamais été plus fragiles, contrairement aux apparences. Non pas parce qu’on parle ici et là d’une nouvelle crise, qui pourrait être aussi violente que celle de 2008, mais parce que la troisième ­révolution industrielle bouleverse l’emploi et requiert des compétences que les écoles de commerce n’offrent qu’à la marge.

Les boards et les directeurs des écoles sentent qu’il faut répondre à une demande nouvelle. Partout, on observe une tendance à l’internationalisation à tout prix pour croiser profils et ­expériences. On voit, par exemple, se multiplier les doubles cursus manageur-ingénieur. On se rappelle aussi que les écoles de commerce ont été, au XIXe siècle, des écoles d’entrepreneuriat. Mais cela ne suffit pas. Une menace implicite rôde, celle de l’obsolescence ; et nulle part elle n’est plus observable que dans la difficulté à ­gagner de l’argent en formation continue – longtemps pourvoyeuse de ressources.

Au-delà d’une concurrence exacerbée, l’offre n’est plus adaptée. Les entreprises ont moins besoin de l’énième formation dans l’une des disciplines du management que d’un croisement des compétences, du recours au spectre le plus large possible de disciplines, des arts et des sciences humaines aux sciences dures.

La troisième révolution industrielle bouleverse les modèles d’affaires. La phase de conception d’un produit devient extrêmement coûteuse. Elle requiert que les sciences de gestion s’allient non seulement à l’ingénierie et à l’informatique, mais aussi aux sciences dures, aux sciences sociales, à l’art : la révolution digitale et son information hyperabondante et complexe réclament toujours plus de transdisciplinarité.

A l’autre bout de la chaîne, la même révolution numérique rend possible la personnalisation des produits, demandant, là aussi, une ­intensification des compétences traditionnelles en marketing, croisées aux sciences sociales et au big data. Chaque révolution industrielle a secrété ses écoles. En 1819, Jean-Baptiste Say avait créé une école de la première ­révolution industrielle, celle des entrepreneurs (aujourd’hui ESCP Europe). Au XXe siècle, les écoles américaines ont inventé le MBA (Master of Business Administration), diplôme par excellence de la deuxième révolution industrielle, celle de « l’ère du management ».

A quoi ressemblera l’école de la troisième révolution industrielle ? Peut-être naîtra-t-elle dans une « vallée des start-up », de la rencontre entre data scientists, spécialistes des sciences dures, créateurs d’intelligence artificielle et entrepreneurs de la Deep Tech. Si elle naît en milieu académique, ce sera peu probablement dans les écoles de management telles qu’elles existent aujourd’hui. Ce sera peut-être autour de la plate-forme de formation tout au long de la vie d’une des grandes universités du monde.

Ce n’est pas pour dire que les business schools sont vouées à disparaître. Elles ont fait preuve depuis deux siècles d’une remarquable capacité de survie. Elles ont régulièrement révélé les failles du capitalisme mais ont su aussi s’adapter à ses mutations. Celles qui s’adapteront à la troisième révolution industrielle auront intérêt à se trouver au cœur d’universités de recherche et d’écosystèmes d’innovation intensifs.

Participez au salon des grandes écoles du « Monde », samedi 10 et dimanche 11 novembre

La 13e édition du Salon des grandes écoles (SaGE) a lieu samedi 10 et dimanche 11 novembre à Paris, aux Docks, Cité de la mode et du design (13e arrondissement), de 10 heures à 18 heures.

Plus de cent cinquante écoles de commerce et d’ingénieurs, IAE, IEP, écoles spécialisées, prépas seront représentés lors du salon, permettant d’échanger sur les différents programmes et leur accessibilité (post-bac, post-prépa ou après un bac +2, +3 ou +4). Lycéens, étudiants et parents pourront assister à des conférences thématiques animées par des journalistes du Monde Campus. Une équipe de vingt « coachs » sera à leur disposition pour les conseiller, les aider à définir leur projet d’orientation, préparer les concours, rédiger leur CV...

L’entrée du SaGE est gratuite, la préinscription en ligne est conseillée pour accéder plus rapidement au Salon. Liste des exposants et informations pratiques sont à retrouver sur le site Internet du SaGE.

Ce salon a été précédé de la publication de nos suppléments dédiés aux écoles d’ingénieurs (dans Le Monde daté du mercredi 7 novembre et en ligne en suivant ce lien ) et aux écoles de commerce (dans Le Monde daté du jeudi 8 novembre et sur Le Monde.fr Campus ici).