A Paris, les dalles de moquette arrivent pour transformer le gymnase Jean-Bouin en hébergement d'urgence pour des migrants / Denis Cosnard

Au gymnase Jean-Bouin, dans le 16e arrondissement de Paris, les cadenas installés par des habitants mécontents ont été sectionnés, les barrières déplacées, et la grille d’entrée est de nouveau ouverte. La préfecture est intervenue, ce lundi 28 janvier, pour permettre de transformer comme prévu cette salle de sports en hébergement d’urgence pour les migrants dans le cadre du plan « grand froid », à titre « très provisoire ».

Sur place, un transpalette a commencé à apporter des carrés de moquette bleue, afin de protéger le sol, et des représentants de la préfecture sont venus discuter d’une possible solution de compromis.

L’histoire ne résume en effet pas entièrement à l’hostilité d’un quartier huppé à l’arrivée soudaine d’étrangers en difficulté. « On n’est pas du tout contre les migrants, mais nous avons besoin de ce gymnase, explique un responsable d’Atheon, le club sportif qui exploite le lieu, à deux pas du bois de Boulogne, entre la porte d’Auteuil et celle de Saint-Cloud. Nous y recevons 1 500 enfants par semaine, y compris pour des cours d’éducation physique d’écoles privées voisines. C’est simple, il est plein du matin jusqu’au soir. Si nous ne pouvons plus l’utiliser, nos adhérents vont nous demander le remboursement de ce qu’ils ont payé, et notre club qui existe depuis plus de trente-cinq ans risque d’être mis à genoux. »

Face aux dirigeants du club, le représentant de l’Etat avance lui aussi ses arguments. « Le froid arrive, des milliers de migrants sont à la rue, il faut les mettre à l’abri. » Une centaine de personnes pourraient trouver refuge ici. « Tous les quartiers doivent faire leur part du travail, et entre nous, l’ouest parisien est assez préservé dans ce plan, ajoute l’homme de la préfecture. Dans le 16e arrondissement, il n’y a eu aucun lieu réquisitionné pour le plan grand froid depuis trois ans. »

La discussion s’engage alors sur la meilleure façon de concilier les besoins des uns et des autres : utiliser le rez-de-chaussée pour les migrants, les autres salles pour la gym, la danse, le judo ? Trouver une autre salle juste à côté pour les activités sportives accueillies jusqu’à présent à Jean-Bouin ? « Si on peut être hébergé pas trop loin, pourquoi pas ?, répond un des membres de l’association. Notre démarche n’est pas politique. »

Bataille politique

Au cours du week-end, l’affaire avait pourtant pris un tour très politique. Danièle Giazzi, maire (Les Républicains, LR) de l’arrondissement, avait fait part sur Twitter de son « opposition catégorique » à la réquisition du gymnase. Elle évoquait « 3 000 scolaires et associatifs à la porte ». Protestation encore plus vive de l’ancien maire du 16e arrondissement et toujours député (LR) Claude Goasguen, appelant à la « résistance » contre cette opération « inacceptable et arbitraire » : « Les élèves et les associations sportives ne doivent pas être les victimes d’une politique d’un gouvernement qui refuse de maîtriser le problème de l’immigration et d’un maire de Paris qui est incapable de défendre les Parisiens pour des intérêts politiques et idéologiques. »

Dans le camp adverse, Ian Brossat, l’un des adjoints (PCF) d’Anne Hidalgo à la mairie de Paris, a été l’un des plus prompts à réagir, lui aussi sur Twitter : « Depuis ce matin, des riverains du 16e soutenus des élus bloquent un gymnase qui a été réquisitionné pour abriter des migrants. Il fait 3 degrés dehors. Des réfugiés errent dans nos rues. Dans l’échelle de la dégueulasserie, on dépasse tous les records… » A ses yeux, les élus concernés « devront rendre des comptes », a-t-il ajouté lundi sur CNews. L’ambiance risque d’être chaude lorsque tous les élus se retrouveront au prochain conseil de Paris, en début de semaine prochaine.