Corse : le sort des deux villas illégales de Pierre Ferracci suspendu à un nouveau procès
Corse : le sort des deux villas illégales de Pierre Ferracci suspendu à un nouveau procès
Par Isabelle Rey-Lefebvre
La Cour de cassation a annulé une décision qui épargnait la démolition des constructions de ce proche d’Emmanuel Macron.
« Arrêt cassé, c’est gagné ! », triomphe l’association corse de protection de l’environnement U Levante, sur son site Internet : « C’est magnifique pour la justice, pour l’environnement, pour la Corse si violentée. » Son enthousiasme est suscité par l’arrêt, daté du 19 mars 2019, de la chambre criminelle de la Cour de cassation, qui rouvre la porte à la démolition de celles que l’on appelle désormais les villas Ferracci. Ce serait un trophée de plus dans le tableau de chasse aux bâtiments illégaux d’U Levante.
Pierre Ferracci, 67 ans, est le fondateur et dirigeant du groupe Alpha et de sa filiale Secafi, société de conseil aux comités d’entreprise, mais aussi un proche d’Emmanuel Macron. Son fils, l’économiste Marc Ferracci, est un ami intime du président, et sa belle-fille Sophie fut chef de cabinet de M. Macron quand il était ministre de l’économie, puis de la ministre de la santé et des solidarités, Agnès Buzyn.
M. Ferracci a édifié en 2013 près de son village natal deux villas de plus de 300 mètres carrés chacune, ainsi qu’une piscine, sur un terrain dominant la superbe anse de Rondinara, une des plus belles plages d’Europe, non loin de Bonifacio. Cette construction dans un espace naturel et remarquable, en principe inconstructible, avait été jugée illégale le 8 février 2016 par le tribunal correctionnel d’Ajaccio. Une décision confirmée le 5 juillet 2017 par la cour d’appel de Bastia qui a condamné M. Ferracci à régler une amende de 1 million d’euros.
« Jurisprudence qui fera date »
La sanction, sévère sur le plan financier, était au fond clémente puisqu’elle permettait d’échapper à la démolition tant redoutée. Pierre Ferrracci s’est donc bien gardé de la contester. L’amende est devenue définitive et elle est en cours de règlement.
Mais l’arrêt du 19 mars de la Cour de cassation, saisie par des associations, remet en cause cette mansuétude. Il précise, dans ses motifs, que les juges de la cour d’appel ne peuvent « légalement limiter le droit des parties civiles à réparation intégrale et qu’en outre la Cour ne pouvait refuser de statuer sur le préjudice environnemental. » La Cour de cassation renvoie donc le dossier devant la cour d’appel d’Aix-en-Provence.
Pour les parties civiles, la seule réparation intégrale envisageable est la remise en état des lieux, donc la démolition des bâtiments. Benoist Busson, défenseur de U Levante, estime ainsi que cet arrêt « est une jurisprudence qui fera date, car elle réaffirme le droit, porté par les associations parties civiles, à la réparation complète de l’atteinte à l’environnement, même si le parquet ne l’a pas réclamée lors des procédures antérieures ». Sa suite logique est la condamnation à démolir.
Du côté de M. Ferracci, l’arrêt est un revers, « une décision inattendue car l’avocat général avait conclu au rejet du pourvoi en cassation », rappelle Me Olivier Burtez-Doucède, son avocat, pour qui « il s’agit d’une question juridique intéressante car l’affaire est inhabituelle. C’est, en général, le parquet qui demande la démolition mais là, l’action pénale est close et ce sont les parties civiles qui la réclament ».
Me Burtez-Doucède reconnaît avoir perdu la troisième manche, mais se veut confiant pour la quatrième, qui se jouera donc devant la cour d’appel d’Aix-en-Provence. « La justice ne peut pas, d’un côté, ordonner la démolition des villas Martinolle, de la maison Poli, de la paillote Maraninchi ou de la villa Mury et, d’un autre, ne pas demander la même sanction pour les villas Ferracci », argumente, à l’inverse, U Levante.