La mairie de Barcelone s’attaque aux vendeurs à la sauvette
La mairie de Barcelone s’attaque aux vendeurs à la sauvette
Critiquée pour son laxisme, la maire de gauche, Ada Colau, envoie désormais les forces de l’ordre expulser les vendeurs.
La maire de Barcelone, Ada Colau, le 25 mai 2015. / EMILIO MORENATTI / AP
C’est un phénomène qui a pris une dimension incontrôlée à Barcelone. En moins d’une minute, les manteros (drapiers), nom donné aux vendeurs à la sauvette en référence aux tissus qu’ils déplient, exposent à même le sol leurs marchandises. Contrefaçons de maillots du FC Barcelone, de lunettes de soleil de marque, porte-clés, bijoux, films piratés… Une corde relie les quatre coins de leur « drap », ce qui leur permet de fuir en quelques secondes dès que les mossos (police catalane) arrivent.
Après des années de laisser-faire, la Mairie de Barcelone a décidé de s’attaquer au problème. Depuis lundi 29 juillet, elle a déployé trois forces de polices conjointes (la guardia urbana, les mossos et la police portuaire) pour empêcher les vendeurs ambulants de s’installer sur la voie publique. Les manteros ont été pris par surprise. Le nouvel adjoint au maire à la sécurité, Albert Batlle, a affirmé qu’il s’agissait d’« éradiquer » le « top manta », le nom donné à cette activité illicite, et repris par un « syndicat des vendeurs ambulants » créé en 2015 pour tenter de légaliser leur travail.
Renoncement
Cette politique marque un renoncement pour Ada Colau, maire de Barcelone depuis 2015 et proche du parti de gauche radicale Podemos. Lors de son premier mandat, terminé en mai, cette ex-militante du droit au logement avait voulu adopter une autre méthode à l’égard des manteros que celle de ses prédécesseurs. La maire avait demandé à la police de limiter le nombre d’interventions en journée, pour n’en faire qu’au petit matin. Elle avait également mis en place des plans de reconversion et attribué aux vendeurs à la sauvette 1,1 million d’euros d’aide. Elle invoquait leur « vulnérabilité ». La plupart sont d’origine africaine et en situation irrégulière sur le territoire espagnol.
Les commerçants, les restaurateurs barcelonais et les associations de voisins locales ont alors accusé la maire de laxisme et d’avoir aggravé le souci. Lors de sa campagne de réélection, Mme Colau a été attaquée par tous ses opposants : le Parti populaire (PP, conservateur) et Ciudadanos (Cs, centre droit). Manuel Valls, dont la candidature était soutenue par Cs, affirmait qu’il en finirait avec ce phénomène « en trois mois ». Arrivée deuxième aux élections municipales du 26 mai, la dirigeante n’a pu conserver son poste que grâce aux voix des socialistes et celle de l’ancien premier ministre socialiste pour faire barrage au nationalisme catalan.
« Criminaliser la pauvreté »
Alors que les sondages de la mairie indiquent que l’insécurité est devenue la première préoccupation des Barcelonais, le poste d’adjoint à la sécurité a été attribué à Albert Batlle, un socialiste réputé pour sa tolérance zéro. Il compte déployer une centaine d’agents de 10 heures à 22 heures. Ce patrouillage intensif aura lieu dans plusieurs zones touristiques de la zone portuaire, véritables points chauds de la vente ambulante : le paseo (promenade) Joan de Borbó, sur le port, mais aussi la place de Catalogne, la Rambla ou le paseo de Gracia.
« Nous sommes satisfaits parce que les lois qui existent contre la vente illégale sont appliquées », salue Fermin Villar, président de l’association des Amis de la Rambla et porte-parole de la Plate-forme des personnes touchées par la vente illégale. Même si, pour lui, cette réponse vient « trop tard pour la ville », car il affirme que le nombre de vendeurs ambulants est passé de près de 400 en 2015 à 2 000 actuellement. La mairie estime plutôt qu’ils sont entre 600 et 700, avec des pics à 800 pendant les périodes touristiques.
De leur côté, les vendeurs ambulants s’inquiètent du virage d’Ada Colau. « C’est très triste de voir qu’une municipalité de gauche met en place les mesures dont rêve la droite du pays », déplore un porte-parole de « Top Manta », qui souhaite rester anonyme par peur de représailles judiciaires. Il voit dans ce dispositif une façon de « criminaliser la pauvreté ». Près de 350 manteros du syndicat et sympathisants ont réagi, en manifestant vendredi 2 août au cri de « personne n’est illégal ! » devant la mairie de Barcelone. Visiblement gênée, Ada Colau n’a pas encore donné suite à leur demande de rendez-vous.