Angela Merkel aux côtés de Sigmar Gabriel (à gauche) et Horst Seehofer (à droite), le 14 avril à Berlin. | FABRIZIO BENSCH / REUTERS

D’habitude avare de formules pompeuses, Angela Merkel a, jeudi 14 avril, dérogé à sa propre règle. « C’est une première dans l’histoire de la République fédérale d’Allemagne », a indiqué la chancelière allemande, en présentant l’accord des trois partis qui forment la coalition au pouvoir à Berlin sur une future loi d’intégration des réfugiés. « C’est un pas historique », témoignant d’un « changement profond de la société », a renchéri Sigmar Gabriel, président du Parti social-démocrate, vice-chancelier et ministre de l’économie. Accompagnés de Horst Seehofer, président de la CSU bavaroise et de plusieurs ministres, les deux dirigeants ont détaillé l’accord qui fera prochainement l’objet d’un projet de loi.

Au cœur du dispositif d’intégration : l’apprentissage de l’allemand, la formation et un premier emploi. Seuls les réfugiés qui feront l’effort d’apprendre la langue pourront recevoir un titre de séjour, même provisoire. Par ailleurs, les réfugiés qui entreprendront une formation se verront attribuer un droit de séjour pour la durée de leur apprentissage, afin qu’ils puissent trouver un emploi. C’était une demande des employeurs, qui ne voulaient pas prendre le risque de former des personnes susceptibles d’être expulsées pendant leur formation. Mais, revers de la médaille, « celui qui interrompra sa formation se verra retirer son titre de séjour et, par là même, le droit de rester en Allemagne », a prévenu la chancelière.

Par ailleurs, 100 000 offres d’emplois vont être proposées aux demandeurs d’asile. Mais il s’agit d’emplois d’utilité collective, notamment dans les centres d’accueil, à 1 euro de l’heure (dans la limite de 80 heures par mois). Pour éviter les ghettos, les autorités attribueront un lieu de résidence aux demandeurs d’asile reconnus en tant que tel, afin de mieux les répartir sur le territoire.

Angela Merkel voit dans ce texte « une offre pour chacun, mais aussi des devoirs pour tous ceux qui arrivent ». « Nous voulons des gens intégrés, fiers, pas des personnes assimilées de force », a résumé Sigmar Gabriel.

Loi de « désintégration »

Mais le texte est loin de faire l’unanimité. Le mouvement promigrants Pro-Asyl dénonce même une loi de « désintégration », critiquant particulièrement l’obligation de résidence qui sera introduite. Celle-ci limite en effet les possibilités de déplacement des migrants, ce qui ne peut que nuire à leur intégration et à leur recherche d’emploi. Deux thèses s’opposent depuis plusieurs mois : certains jugent que les réfugiés doivent être hébergés dans les grandes agglomérations, là où il y a du travail ; d’autres suggèrent de loger les réfugiés dans des petites communes qui connaissent souvent un véritable déclin démographique et disposent donc de logements vides. Les réfugiés souhaitent, eux, la plupart du temps, vivre là où se trouvent déjà des membres de leur famille ou de leur communauté. Ils sont sans doute plusieurs dizaines de milliers à préférer ne pas être enregistrés pour ne pas se voir imposer un lieu de résidence, loin de tout et notamment des leurs.

Le parti d’extrême droite Alternative pour l’Allemagne (AfD) dénonce, lui, une « forme perfide de dumping social », en référence aux emplois à un euro. Cette formule avait été créée il y a une dizaine d’années pour permettre aux demandeurs d’emplois et retraités d’exercer un petit boulot. Son succès était déclinant mais cette formule refait son apparition. Même si, lorsqu’ils occuperont un emploi « normal », les réfugiés devront être rémunérés au moins au salaire minimum.

La Süddeutsche Zeitung du 15 avril constate que rien dans le texte n’évoque la scolarisation des enfants de réfugiés ni le rôle que pourraient jouer les associations cultuelles dans cette intégration. Cette loi est « un grand pas pour la coalition, un petit pas pour tous les autres », résume la Frankfurter Allgemeine Zeitung.