Bordeaux : une agression diffusée en direct sur Periscope
Bordeaux : une agression diffusée en direct sur Periscope
Par Florence Moreau (Bordeaux, correspondance)
Les deux adolescents, qui ont frappé un passant et filmé la scène, ont été mis en examen pour violences avec préméditation
Extrait de la vidéo montrant l'agression préméditées diffusée en direct à Bordeaux le 22 avril 2016. | DR
La scène est tristement banale : vendredi 22 avril, un passant a été frappé de façon totalement gratuite à la sortie d’une boîte de nuit à Bordeaux. Ce qui l’est moins c’est que cette agression a été préméditée et partagée sur Periscope. Rachetée par Twitter en 2015, cette application permet à l’utilisateur de retransmettre en direct ce qu’il est en train de filmer. Pour le meilleur et pour le pire. Serge Aurier, le joueur du PSG quand il insulte son entraîneur ; le mouvement citoyen « Nuit Debout » vu de l’intérieur ; un policier qui fait usage de gaz lacrymogène ; une rencontre sportive filmée sur un écran de télévision à l’attention de non abonnés. Censées être éphémères car disponibles seulement 24 heures si elles ne sont pas enregistrées, les vidéos n’en sont pas moins visibles par tous.
Le petit film de Bordeaux a été tourné par deux adolescents bordelais de 15 et 16 ans, qui se sont mis en scène pour faire de l’audience. Le plus jeune agit, à visage découvert, tandis que l’autre filme. Au début, ils se lancent un défi. « A 40, on met un gros K-O ». Ils atteignent rapidement le nombre de viewers (personnes qui regardent en direct) attendu. Les commentaires fusent. Certains les mettent au défi, les encouragent, se disent « MDR » (mort de rire) ou « PTDR » (pété de rire), trouvent le temps long et parlent d’aller voir ailleurs. D’autres les moquent, les rappellent à l’ordre, les insultent voire les menacent. D’autres encore s’avouent consternés. Mais regardent quand même.
Dans le quartier des boîtes de nuit, près de la gare de Bordeaux Saint-Jean, les deux adolescents croisent un Bordelais de 24 ans, visiblement ivre. Une proie facile, seule et sans défense. Le plus jeune des adolescents passe à l’acte. Tout va très vite. Deux gifles qui surprennent le piéton, un balayage qui le met à terre, un coup de pied alors qu’il a roulé sur le côté. Puis l’agresseur se vante dans un éclat de rire, toujours en direct, toujours face caméra, avant de prendre la fuite quand des vigiles s’approchent.
Pari gagné pour les deux adolescents mais 21 jours d’incapacité totale de travail pour leur victime, notamment blessée à la mâchoire. Après l’agression, les critiques sont telles que le jeune agresseur hésite à rentrer chez lui et se fend d’un message d’excuses sur You Tube. Il assure que son ami et lui étaient ivres et qu’ils n’ont pas réalisé à temps la gravité de leurs actes. Sa mère se dit « horrifiée » par les faits, expliquant que son fils « a chaviré » depuis le décès de son père il y a un peu plus d’un an.
Mais le mal est fait. Et une procédure engagée, avant même la plainte du Bordelais frappé. C’est quand un ami lui a raconté que la vidéo de son agression était relayée sur les réseaux sociaux qu’il a compris ce qui s’était passé. Convoqués au commissariat, les agresseurs ont été placés en garde à vue. Déférés au parquet des mineurs, ils ont été mis en examen pour violences avec préméditation et en réunion avec ITT supérieure à huit jours, et surtout pour diffusion de l’enregistrement d’images relatives à la commission d’une atteinte volontaire à l’intégrité de la personne. L’auteur des coups a été placé en foyer.