Ce que la Xbox 360 a apporté au jeu vidéo
Ce que la Xbox 360 a apporté au jeu vidéo
Par William Audureau
Jeu en ligne, dématérialisé, fonctions sociales… En dépit de ses soucis de fiabilité, la seconde console de salon de Microsoft a profondément marqué l’industrie.
Microsoft
Plus de dix ans après son lancement commercial, en novembre 2005, la Xbox 360 raccroche les gants. Le directeur de la division jeux de Microsoft, Phil Spencer, a annoncé sur le blog de l’entreprise l’arrêt de sa production le 21 avril.
Pendant dix ans, mais surtout entre 2007 et 2012, ses principales années d’exploitation et de succès commerciaux, la console aux multiples vies a largement contribué à redéfinir la manière dont se concevait le divertissement interactif au centre d’un salon.
L’indé à la maison
La Xbox 360, ce fut avant tout un écosystème en ligne. Certes, dès la fin des années 1990, la DreamCast de Sega a intronisé le jeu vidéo connecté, et la PlayStation 2 comme la GameCube sont compatibles avec un modem. Mais la console de Microsoft va plus loin : il suffit d’un câble Ethernet (puis dans les modèles ultérieurs, d’une connexion Wi-Fi) pour la relier à Internet. Là, tout un monde alors inédit attend le joueur : une boutique en ligne de jeux dématérialisés, premier pont jeté vers la scène alors balbutiante du jeu vidéo indépendant.
Lorsque la Xbox 360 sort en 2005, Cave Story, pionnier de cette scène alternative, n’est qu’une curiosité vieille d’un an à peine et seulement relevée par quelques férus sur les forums. Mais peu à peu, le Xbox Live Arcade (XBLA) offre un espace de visibilité nouveau et inespéré pour ces productions artisanales à contre-courant des majors. C’est là qu’apparaîtront Braid, le premier jeu solo du génial créateur de The Witness, mais aussi Geometry Wars, revival hypnotisant des jeux de tir des années 1980, Trials HD, courtes et addictives sessions de Motocross, ou encore Super Meat Boy, qui a marqué la résurrection des jeux de plate-forme sadiques à l’ancienne.
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Depuis, pas un constructeur de consoles n’ose faire l’impasse sur cette scène alternative vivante, créative et bouillonnante. A l’image de Sony, qui a poussé ses productions maison (Flow, Flower, Journey, Echofon…), ou de Nintendo, qui a récemment fait de la place pour certaines (Fast Racing NEO, Runbow, Affordable Space Adventures…)
Emois en ligne
Le Xbox Live offre une liste dynamique d’amis en ligne, sur le mode alors encore vivace de MSN, avec la possibilité de discuter en direct, y compris au micro (un casque est d’ailleurs compris avec la machine). Et puis, bien sûr, la possibilité de s’affronter, moyennant un abonnement mensuel – le premier du genre. Sony en reprendra l’idée plus tard.
Rompant avec la tradition des consoles hors ligne, briques de technologie réduites à une fonction de lecteur de disques, la Xbox 360 s’est ainsi faite passerelle vers des mondes connectés. Sur DreamCast (Chu Chu Rocket), sur la première Xbox (Halo 2) ou sur GameCube (Phantasy Star Online), les jeux en ligne étaient l’exception ; sur la Xbox 360, ils deviennent la norme, y compris, et surtout, les plus populaires.
Soudain, Call of Duty n’était ainsi plus cette bête et énième relecture interactive d’Il faut sauver le soldat Ryan, mais un rendez-vous quotidien, jusque tard dans la nuit, à mettre en place tactiques au vol et petits noms d’oiseaux affectueux avec joueurs d’un soir et partenaires de jeu réguliers. Amenant avec lui son cortège d’inoubliables heures à configurer son arsenal virtuel pendant qu’à tue-tête, les rencontres d’un jour chantaient en allemand, juraient en anglais, ou se chambraient en russe, les voix les plus prépubères côtoyant les plus blasées. En dépit d’un parc installé comparable, jamais la console concurrente, la PlayStation 3, n’offrira pareille auberge espagnole.
Une manette plébiscitée
La Xbox 360, c’est aussi une manette, quasi unanimement reconnue comme la meilleure de sa génération – elle a depuis été perfectionnée par celle de la Xbox One, la console qui lui fait suite. Aux antipodes du modèle noir et lourdaud de la première machine de Microsoft, la manette de la 360 est légère, impeccablement ergonomique, avec deux sticks analogiques précis, deux fins boutons de tranche qui tombent sous les doigts et des gâchettes arrière sensibles à la pression.
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Elle fera fureur dans les jeux de tir et les jeux de course – un peu moins avec les jeux de combat et les jeux de football, la faute à une croix de direction plus capricieuse. Il n’empêche : avec ses deux sticks de chaque côté, son bouton central de synchronisation, ses gâchettes arrières, son modèle a fait école, à tel point que c’est d’elle dont Nintendo s’est rapproché avec sa manette Wii U Pro Controller.
Bien sûr, tout n’a pas été parfait pour la machine de Microsoft. Avec ses innombrables offres commerciales, toutes plus illisibles les unes que les autres (Basic, Premium, Elite, Slim, New…), ses disques durs à la taille variable, son ronronnement de réacteur d’avion, sa connectique variant d’un modèle à l’autre, la console aura longtemps été sa propre ennemie. Il aura fallu attendre 2010, et la sortie d’un nouveau modèle noir élégant, moins bruyant, et assorti d’une innovante caméra de reconnaissance de mouvement, Kinect, pour qu’enfin la Xbox 360 parvienne à se rendre véritablement simple et désirable. Las : la mode des jeux à reconnaissance de mouvement ne durera qu’un an…
Une fidélité inespérée
Elle restera également tristement célèbre pour son « RROD », le « cercle rouge de la mort », une configuration de son bouton d’alimentation signalant une panne fatale. Lancée précipitamment fin 2005 pour prendre de court la PlayStation 3, la machine a traîné tout le long de sa carrière commerciale une réputation de durée de vie éphémère – environ 30 % de taux de retour, selon différentes estimations d’époque chez les revendeurs. A tel point que les dysfonctionnements de la PlayStation 3, de la PlayStation 4 et de la Wii U passent aujourd’hui encore pour un moindre mal, comparés à la console la moins fiable de l’histoire. Rares sont d’ailleurs les Xbox 360 de début de génération à être encore opérationnelles.
Pourtant, la console avait introduit un révolutionnaire système de suivi des performances au sein des jeux. Les Succès, encore en activité, permettent d’accumuler des points (des « G ») associés à son compte de joueur, à la manière d’un classement général au cumul.
Devenus des références iconiques, les messages annonçant l'obtention d'un "Succès" ont eu droit à quantité de générateurs en ligne, permettant à chacun de créer ses propres parodies.
Un système gratifiant, depuis repris par Sony avec ses Trophées, et qui a été en grande partie responsable de son image de console pour joueurs compétiteurs et fidèles. Et ce malgré Kinect – appel de pied assumé au grand public de la Wii. C’est en lançant en 2013 la Xbox One avec Kinect intégré que Microsoft a d’ailleurs perdu nombre de ses clients.
Que restera-t-il d’elle ? L’influence de certains jeux, assurément, comme la franchise Gears of War, avec ses fusillades stratégiques, à couvert, largement reprises par le récent succès d’Ubisoft, The Division. Les univers de space opera à la Halo – Bungie, ancien studio de Microsoft aujourd’hui propriété d’Activision, continue d’en créer, avec Destiny. Mais aussi une approche novatrice, à la fois pointue et décontractée, de la simulation automobile, avec la série Forza Motorsports, qui s’est peu à peu imposée comme une alternative de choix aux Gran Turismo de Sony. La Xbox 360, c’est vrai, a souvent fini cassée. Faute de production, sûrement. Mais pour de nombreux joueurs, la cause est connue : c’est d’y avoir trop joué.