Conférence environnementale : le gouvernement sans ambition sur l’écologie
Conférence environnementale : le gouvernement sans ambition sur l’écologie
Par Rémi Barroux
A douze mois de l’élection présidentielle, les associations de défense de l’environnement regrettent l’absence de nouvelles propositions.
Le premier ministre, Manuel Valls, lors de la conférence de clôture de la quatrième et dernière conférence environnementale du quinquennat de François Hollande, mardi 26 avril 2016 à Paris. | PHILIPPE LOPEZ / AFP
Ils n’ont pas vécu la même rencontre. D’un côté, les associations de défense de l’environnement ont été déçues par l’absence d’annonces de la quatrième et dernière conférence environnementale du quinquennat de François Hollande, qui s’est tenue lundi 25 et mardi 26 avril. Et par le manque de perspectives pour les douze mois à venir avant la présidentielle. Elles ont aussi regretté un bilan en demi-teinte, pointant quelques avancées mais aussi de nombreuses « incertitudes » et « incohérences ».
De l’autre, la ministre de l’environnement, Ségolène Royal, le chef de l’Etat et le premier ministre ont célébré, dans leurs discours, l’œuvre écologique du gouvernement, égrenant de nombreuses mesures prises, Manuel Valls allant même jusqu’à déclarer, lors de la clôture de la conférence, mardi, être « fier d’être à la tête du gouvernement sans doute le plus écologiste qui ait jamais existé ».
Le premier ministre, comme François Hollande, qui a ouvert lundi matin la quatrième conférence environnementale, ont joué « Hé oh l’écologie ! » – en référence au mouvement Hé oh la gauche ! lancé par Stéphane Le Foll –, insistant sur un bilan environnemental positif, en avançant notamment la carte de la COP21 et du succès de l’accord de Paris signé par 174 pays le 22 avril à New York.
Les trois précédentes conférences environnementales
- En 2012, la première conférence environnementale s’ouvre dans un climat relativement optimiste. Elle accouche de cinq grands chantiers : la transition énergétique, embryon de la future loi adoptée en juillet 2015 ; une Agence nationale de la biodiversité, qui sera intégrée au projet de loi sur la biodiversité, en cours de discussion ; une diminution des risques sanitaires environnementaux, qui aboutira notamment à l’interdiction du bisphénol A dans les contenants alimentaires en janvier 2015 ; la fiscalité environnementale ; et la simplification du droit de l’environnement.
- En 2013, la deuxième conférence environnementale s’attaque aux chantiers de l’économie circulaire (recyclage, valorisation des déchets...) ; de la transition énergétique et de ses emplois ; de la politique de l’eau ; de la biodiversité marine ; et de l’éducation à l’environnement. Les ONG commencent à déchanter : « La seule bonne nouvelle, c’est l’objectif de diviser par deux la consommation d’énergie d’ici 2050, estime la fédération France nature environnement. Pour le reste , il y a peu de nouvelles décisions (...), pas d’annonce concrète pour mettre en œuvre les objectifs fixés l’an dernier. »
- En 2014, la troisième rencontre est boudée ou critiquée par les principaux acteurs environnementaux, qui réclament de « réelles avancées », et dénoncent une « organisation extrêmement chaotique ». Trois thèmes sont au menu : le climat et la biodiversité, un an avant la conférence des Nations unies sur le climat à Paris ; les transports et mobilités durables, avec l’idée d’accélérer la sortie du diesel ; et l’environnement et la santé (pesticides et perturbateurs endocriniens).
« Pas l’heure du bilan »
Ségolène Royal, qui recevait la conférence dans ses murs de l’hôtel de Roquelaure, a eu beau vanter l’excellent travail effectué durant deux jours par tous les acteurs de la politique environnementale, associations, syndicats, organisations professionnelles, élus et une douzaine de ministres, les représentants d’ONG, nombreux, n’ont pas caché leur déception.
« Il n’y a pas d’engagement concret, on est déjà dans le service après-vente alors qu’il reste à organiser la politique environnementale. Il y a encore douze mois de travail pour le gouvernement le plus écologiste », a ironisé le sénateur écologiste (Loire-Atlantique) Ronan Dantec. Rejoint par Denis Voisin, porte-parole de la Fondation Nicolas Hulot : « Ce n’était pas l’heure du bilan, les grands chantiers n’ont pas abouti. »
L’annonce par le chef de l’Etat de la mise en place en France, dès 2017, d’un « prix plancher du carbone » pour la production d’électricité à base d’énergies fossiles (charbon, gaz, pétrole) a plutôt été bien accueillie. Mais ce dispositif qui vise à encourager la sortie du charbon, et qui devrait être intégré dans le projet de loi de finances ou la loi de finances rectificatives, doit encore être précisé. Pour le Réseau Action Climat (RAC), « le signal prix carbone a bien été présent dans les discours du gouvernement, mais la fiscalité n’a toujours pas été mise au diapason de la transition énergétique ».
Alors que la loi de transition énergétique d’août 2015 a été maintes fois citée dans les discours de MM. Hollande et Valls comme une « grande loi du quinquennat », que les objectifs sur les énergies renouvelables ont été réaffirmés, c’est l’impression d’un « flou maintenu » qui a prévalu pour les associations : « Pas de vision globale entre énergies renouvelables, nucléaire et efficacité énergétique alors que les trois éléments doivent se combiner », ainsi que l’a souligné Lorelei Limousin (RAC).
François Hollande a bien redit sa volonté de publier avant la fin 2016 le décret mettant fin à l’autorisation d’exploitation de la centrale nucléaire alsacienne de Fessenheim. Il a également reprécisé que la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), qui doit mettre en musique les objectifs de la loi de transition énergétique, serait « soumise à consultation d’ici au 1er juillet », pour être adoptée à l’automne. Quant à la décision finale du nombre de réacteurs à fermer, en fonction du volume de production souhaité, elle sera prise en 2019, c’est-à-dire par le prochain gouvernement.
De fait, si la loi de transition énergétique a bien été votée, de nombreux décrets d’application manquent encore. Selon un dernier pointage effectué par le ministère de l’environnement, lundi, sur la centaine de décrets qui regroupent les 164 mesures de la loi, seulement un tiers (35 décrets) ont d’ores et déjà été publiés. Un autre tiers est étudié par le Conseil d’Etat, et le reste doit être signé par les ministres concernés ou encore en phase de consultation obligatoire ou de concertation avec les parties prenantes. La quasi-totalité des textes réglementaires de cette loi devraient être publiés dans les prochains mois, assure le ministère.
Goût d’inachevé
« La loi de transition énergétique ne sera mise en œuvre concrètement que quelques mois avant la fin de la présidence de François Hollande ; que de temps perdu », regrette Pascal Canfin. L’ancien ministre délégué au développement et actuel directeur du WWF France estime qu’il fallait au contraire accélérer au lendemain de la COP21. « Le premier ministre suggère la mise à l’étude d’une nouvelle loi d’orientation sur la mobilité intérieure [pour remplacer la loi d’orientation des transports intérieurs, qui date de 1982], mais on sait qu’à un an de l’élection présidentielle elle n’a aucune chance de voir le jour », déplore M. Canfin.
Trop tard, pas assez vite, la politique environnementale du gouvernement laisse un goût d’inachevé à de nombreux conférenciers. « La qualité de l’air ne s’améliore pas, le transport routier progresse, l’utilisation des pesticides aussi, et on nous dit que le gouvernement est très écologiste », pointe Benoît Hartmann, porte-parole de France Nature Environnement.
Tenus à l’écart de l’Elysée par la police alors qu’ils étaient invités à assister au discours de M. Hollande, certains représentants d’associations d’opposants au projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes se sont satisfaits de voir que ce dossier avait été évoqué à plusieurs reprises lors de la conférence. Laurence Monnoyer-Smith, commissaire générale au développement durable et maîtresse d’œuvre de la conférence, a même évoqué « l’émotion de certaines ONG » sur cette question. Le premier ministre a, lui, rappelé qu’il y aurait une consultation le 26 juin et que le gouvernement tirerait les conclusions du résultat du scrutin. Mais pour les ONG présentes, cet aéroport va à l’encontre des objectifs de la COP21. « Notre-Dame-des-Landes décrédibilise toute l’action du gouvernement en matière écologique », résume Ronan Dantec.
Une feuille de route regroupant les propositions de la conférence, élaborée par le gouvernement et discutée par le Conseil national de la transition écologique, sera publiée en juin. Pour achever le travail engagé plus que pour ouvrir de nouvelles perspectives.