Critique gastronomique : Anicia, l’auvergnat sans façon
Critique gastronomique : Anicia, l’auvergnat sans façon
M le magazine du Monde
[Le verdict de François Simon] Cette semaine, le chroniqueur de « M Le magazine du Monde » s’est rendu dans ce restaurant à l’ambiance bistrot du 6e arrondissement de Paris.
François Simon, le critique gastronomique de "M Le magazine du Monde". | Deirdre Rooney
C’est tout de même courageux de tout quitter (son restaurant du Puy-en-Velay, étoilé pendant quatorze ans) et de se jeter dans la gueule du loup. En l’occurrence Paris, ville féroce, cruelle, volage… Pfou ! on pourrait détailler les incisives, les molaires ; admirer leur capacité à dévorer, broyer… Et pourtant, François Gagnaire est bien là, saluant à la va-vite des tables sensibles et filant illico à ses fourneaux.
Là il mitonne une cuisine régionale, pas militante pour autant, ni ne claironnant à tout va un pays si discret, enfoui, au goût si particulier. « Tout est aigrelet en Auvergne, écrit ainsi Alexandre Vialatte. Le fond de l’air, le fromage, le vin, le son de la vielle. » Alors François Gagnaire nous le raconte en glissant son billet sous la porte. Voici des plats extrêmement précis, parlant doucement. Ils sont « aimables » pour tout dire : pintade fermière-polenta crémeuse-sauce suprême au thé, ou encore cabillaud rôti avec endives de plein champ et beurre d’orange sanguine.
Cabillaud rôti escorté d'endives et de beurre d'orange sanguine. | Géraldine Martens
Il y a également des pièces magnifiques comme cette côte de bœuf pour deux, accompagnée de légumes de saison. Et encore ce « caviar de Velay », une composition rafraîchissante de lentilles du Puy en gelée de crustacés et crème de chou-fleur. Cela participe d’une cuisine d’écoute (de son pays, de sa clientèle), ce genre de chant tranquille et décidé qui parvient dans l’assiette comme une source.
Encore faut-il que le service soit au diapason, n’interpose pas une urbanité inappropriée, mais poursuive l’écho de cette cuisine apaisée, forte. Ce qui est le cas. Clientèle au taquet, bruissante et serrée dans la première salle, mais si vous réservez en deuxième salle, vers les cuisines, moins de brouhaha, si ce n’est le bruissement des vapeurs d’une cuisine poncée au scrupule.
François Gagnaire, chef pointu du restaurant Anicia. | Géraldine Martens
Passage à l’acte
Anicia, bistrot nature par François Gagnaire, 97, rue du Cherche-Midi, Paris 6e. Tél. : 01-43-35-41-50. Fermé dimanche et lundi. www.aniciabistrot.com
Les meilleures places chez Anicia ? Aux quatre coins de la salle. | Géraldine Martens
- Décibels : 90 dB le soir, les gens sont contents.
- Mercure : 21 °C au complet.
- Place de choix : dans les quatre coins de la salle ou près des cuisines (deux tables, l’une pour deux, l’autre pour quatre).
- Addition : compter 50-60 € à la carte. Le soir, « Menu en 5 services composé des plats du moment », 55 € ; ou « En accord, mets et vins », 90 €.
- Minimum syndical : formules 29 € (entrée-plat ou plat-dessert) ou 35 € (entrée-plat-dessert).
- Dommage : la tarte au chocolat sans grand tremblement.
- A emporter : l’idée de revenir pour le goûter, servi après le service du déjeuner, jusqu’à une heure avant le dîner. Et le fait que la lentille est une excellente partenaire en cuisine. A propos, Anicia fait référence à l’ancien nom du Puy-en-Velay (Anis), qui est aussi l’appellation d’une variété de lentilles.
- Verdict : oui, oui.
"Faut-il y aller ?" - Anicia
Durée : 02:05