William Martiet (deuxième à partir de la droite) parmi les leaders syndicaux en tête du cortège parisien contre la loi travail, jeudi 28 avril. | ALAIN JOCARD / AFP

Les caméras se pressent vers lui. Oreillette en place, micro à la main, William Martinet, président de l’Union nationale des étudiants de France (UNEF), navigue à l’aise, jeudi 28 avril, à quelques pas de la place Denfert-Rochereau. A côté de lui va être donné le top départ du cortège des salariés, étudiants et lycéens contre le projet de loi de la ministre du travail, Myriam El Khomri.

Une chaîne de télévision d’info en continu finalise avec lui les derniers détails d’un duplex. Quelques mètres plus loin, Nicolas, 20 ans, étudiant en troisième année d’histoire à Paris-I, qui assiste à la scène, grommelle : « Quel cirque ! Dans les facs, ce syndicat est fantôme au sein du mouvement. »

En l’absence de la Fédération des associations générales étudiantes (FAGE), qui s’est rapidement désolidarisée de la mobilisation contre le projet de loi travail, l’UNEF a été propulsée représentante de la cause étudiante. Mais dans plusieurs universités d’Ile-de-France, ils sont nombreux à ne pas comprendre que le premier relais médiatique de la parole étudiante passe par un syndicat qu’ils ne reconnaissent pas.

« Ce n’est pas le mandat qu’ils ont reçu »

Dans le cortège parisien de jeudi, Jeanne, 20 ans, élève à l’Ecole normale supérieure Cachan, résume l’objectif commun des étudiants : « abrogation et rien d’autre ». Toute tentative de négociation est suspecte, selon elle : « Même si le texte est réaménagé, il en restera toujours un noyau qui visera à déréglementer le code du travail au détriment des plus fragiles. »

Alors quand William Martinet a qualifié de « réponse concrète aux préoccupations des jeunes », le 11 avril, les annonces de Manuel Valls destinées à stopper la fronde estudiantine, certains ont vu rouge, soupçonnant l’UNEF de double jeu.

L’UNEF s’est « décrédibilisée », estime Eléa, 20 ans, en troisième année de licence à Paris-IV. « Ce syndicat sert les intérêts d’une poignée d’élus frondeurs qui se servent de leur réserve parlementaire pour le financer et qui souhaitent déstabiliser Hollande sans se soucier du fond de la loi. Il est instrumentalisé », conclut-elle.

La coordination étudiante tente, mobilisation après mobilisation, de se débarrasser de la tutelle médiatique du syndicat historique. « Il est vrai que l’UNEF a une voix médiatique, reconnaît Manon Lorre, 18 ans, porte-parole de la Coordination nationale et inscrite à Paris-VIII. Mais ils sont moins d’un pour cent des étudiants de France. »

Cortège étudiants, manifestation du 28 avril. | Eric Nunès

Même scepticisme pour Quentin, 26 ans, en thèse à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS) : « La coordination étudiante contre le projet de loi El Khomri s’est faite sans l’UNEF, voire contre l’UNEF. A chaque assemblée générale, le mot d’ordre est le retrait de la loi. L’UNEF va négocier des miettes auprès du gouvernement, ce n’est pas le mandat qu’ils ont reçu », dénonce-t-il.

Raphaël, en troisième année d’histoire à Paris-I, pour qui la tiédeur de l’UNEF a décrédibilisé le syndicat au sein de son université, regrette par ailleurs qu’« ils n’y sont pas majoritaires et même divisés ». A la Sorbonne, la mobilisation se ferait sans eux. L’UNEF irait même à contre-courant, selon Manon Lorre, pour qui « la volonté de ce syndicat est de calmer le mouvement ». Parier sur l’essoufflement de la mobilisation « serait perçu comme un inacceptable abandon des salariés ». « Une trahison », tranche Florine, 26 ans, diplômée d’un master 2 depuis 6 mois. Et aujourd’hui au chômage.