Elections législatives en Iran : il suffira d’une femme
Elections législatives en Iran : il suffira d’une femme
M le magazine du Monde
Si une candidate est élue ce vendredi, jamais, depuis sa création en 1979, la République islamique d’Iran n’aura compté autant de femmes parlementaires.
Le changement est en marche. Et pas seulement parce que l’Iran a entamé un retour en grâce sur la scène internationale depuis la signature, le 14 juillet 2015, à Vienne, de l’accord sur le dossier nucléaire. Ce vendredi 29 avril, au second tour des législatives, les Iraniens choisissent 68 députés afin de pourvoir les sièges encore vacants sur les 290 que compte le Parlement. Nul besoin d’attendre les résultats pour savoir qu’un record sera battu : celui du nombre de femmes élues. A l’issue du premier tour, en février, quatorze candidates l’ont déjà emporté, soit une représentation jamais atteinte depuis 1996. Et ce n’est pas fini. Il suffit qu’une seule des huit restées en lice au second tour recueille suffisamment de suffrages pour atteindre un niveau historique : jamais, depuis sa création en 1979, la République islamique d’Iran n’aura compté autant de femmes parlementaires.
Lors du premier tour des élections législatives, le 26 février, à Qom. | AHMAD HALABISAZ / XINHUA-REA Vahid Salemi/AP/SIPA
Mais ce n’est pas tout. La couleur politique de ces nouvelles députées est également porteuse d’espoir. Aucune de celles élues dès le premier tour n’appartient aux partis conservateurs. Onze de ces parlementaires sont issues de la « liste de l’espoir », soutenue par les réformateurs et les partisans du président modéré, Hassan Rohani. Les trois autres sont indépendantes. Encore une nouveauté : la moitié de ces élues ont moins de 40 ans. La plus jeune, Zahra Saidi, ingénieure en génie industriel de 29 ans, vient de la ville de Mobarakeh, dans la province conservatrice d’Ispahan, où elle a battu ses dix rivaux, tous des hommes. Il ne faut certes pas attendre de miracle de la part de ces députées, mais elles peuvent participer à l’élaboration de lois plus favorables aux femmes.
A peine élue, Parvaneh Salahshouri est sans doute déjà la plus connue – et la plus controversée – des nouvelles parlementaires. La députée de Téhéran a profondément surpris lorsque, dans un entretien accordé à une journaliste italienne, elle s’est prononcée pour que le hidjab, obligatoire pour les femmes en République islamique d’Iran, devienne facultatif. Une véritable transgression. « Je pense que c’est un droit fondamental d’avoir le choix. Le temps viendra où ce sera le cas », a-t-elle affirmé. Elle a également promis de « se battre contre la discrimination » inscrite dans « les lois et les règles » du pays.
Déclarations misogynes
En Iran, le témoignage d’une femme vaut la moitié de celui d’un homme ; la garde des enfants est systématiquement confiée au père à partir de l’âge de 7 ans ; pour demander un passeport, les femmes ont besoin de l’accord écrit de leur mari et celui-ci peut à tout moment s’opposer à la sortie du territoire iranien de sa conjointe. L’interview filmée et largement relayée de Parvaneh Salahshouri lui a, sans surprise, attiré les foudres des conservateurs, poussant cette sociologue de formation à reculer. L’Iranienne a déclaré par écrit que « seulement une partie de sa conversation avait été diffusée » et que le média en question n’avait pas voulu montrer l’intégralité de sa vision concernant le hidjab.
Elue dès le premier tour des législatives, Parvaneh Salahshouri, députée de Téhéran, s’est prononcée pour que le hidjab, obligatoire pour les femmes en République islamique d’Iran, devienne facultatif. | ATTA KENARE/AFP
Le nombre record de femmes élues au Parlement iranien est d’autant plus significatif que les neuf députées de l’actuelle assemblée sont toutes très conservatrices. Elles ont à plusieurs reprises suscité l’indignation, voire la colère sur les réseaux sociaux et dans la presse par leurs déclarations misogynes. L’une d’elles, Fatemeh Alia, a notamment provoqué de violentes réactions lorsqu’elle a soutenu l’interdiction pour les femmes d’entrer dans les stades, à l’occasion d’un championnat de volley. « Le devoir des femmes est d’élever leurs enfants et de s’occuper de leur mari », a-t-elle déclaré.
Après son échec cuisant aux législatives – dans la ville de Téhéran, alors qu’il y avait 30 sièges à pourvoir, Fatemeh Alia a fini 41e –, une blague a été largement relayée sur la Toile : « On a entendu ton message et donc on te laisse rester à la maison et te focaliser sur ta famille. »