Le président russe, Vladimir Poutine, et le ministre des affaires étrangères français, Jean-Marc Ayrault, à Moscou, le 19 avril. | KIRILL KUDRYAVTSEV / AFP

Le voyage à Moscou du ministre des affaires étrangères français, Jean-Marc Ayrault, mardi 19 avril, devait avant tout être une reprise de contact. Il sera dominé par les dossiers syrien et surtout ukrainien, alors que les accords de Minsk de février 2015, parrainés par Paris et Berlin, qui ont plus ou moins mis fin aux combats avec les rebelles séparatistes dans l’Est, restent encore en bonne part lettre morte.

Le président François Hollande s’est déjà rendu dans la capitale russe trois fois en deux ans et sa dernière visite, le 26 novembre, moins de deux semaines après les attentats de Paris, avait pour l’essentiel été consacrée à développer une « coordination » plus intense dans la lutte commune contre l’organisation Etat islamique (EI), notamment en Syrie.

L’annexion de la Crimée et le soutien de Moscou aux rebelles séparatistes dans le Donbass ont déclenché la plus grave crise entre les Occidentaux et la Russie depuis la fin de la guerre froide

« La Russie est un partenaire, même si les sujets de contentieux ne manquent pas, à commencer par l’Ukraine », a reconnu Jean-Marc Ayrault qui, alors premier ministre, avait en octobre 2013, coprésidé à Moscou avec son homologue Dmitri Medvedev le sommet intergouvernemental franco-russe. La réunion fut plutôt animée. Vladimir Poutine y critiqua vertement les Européens, dont la France, pour le projet d’accord d’association entre l’Ukraine et l’Union européenne. Il fut finalement refusé par Kiev sous pression de Moscou, ce qui entraîna la révolte de Maïdan, le renversement du régime pro-russe de M. Ianoukovitch, la victoire des réformistes pro-européens et, enfin, l’ingérence militaire du Kremlin. L’annexion de la Crimée, quelques mois plus tard, et le soutien de Moscou aux rebelles séparatistes dans le Donbass ont déclenché la plus grave crise entre les Occidentaux et la Russie depuis la fin de la guerre froide, et l’instauration de sanctions. Elle sonna aussi le glas de ces rencontres annuelles au sommet entre Français et Russes.

« Trouver une solution en Ukraine et arriver à la pleine application des accords de Minsk est possible. Ce serait un signal positif pour les autres crises et cela nous permettrait de nous concentrer pleinement sur la Syrie », a affirmé le ministre dans l’avion qui l’emmenait à Moscou. Le 3 mars s’était tenu à Paris un sommet dit au « format Normandie » – avec les Français, les Allemands, les Russes et les Ukrainiens – comme lors des cérémonies du 70e anniversaire du débarquement afin de relancer le processus. Une telle relance dépend non seulement de Kiev – qui n’a toujours pas voté la loi de décentralisation ni accordé un statut particulier aux régions séparatistes, comme le stipulent les accords – mais encore plus de Moscou – qui reste le principal soutien des rebelles de l’Est. « L’intérêt russe est de s’engager encore plus dans le processus », a insisté M. Ayrault, soulignant qu’une levée à terme des sanctions européennes, dont l’efficacité est manifeste, « implique que cela bouge ». Celles, moins étendues, prises en rétorsion à l’annexion de la Crimée resteront en revanche en vigueur.

Assad « ne peut incarner le futur de la Syrie »

Les discussions butent sur l’intensification des combats

Le dossier syrien est l’autre grand enjeu de la rencontre, alors que les négociations de Genève sont à l’agonie. Les discussions butent sur l’intensification des combats sur le terrain et sur le refus de Damas d’accepter la création d’une autorité de transition dotée de tous les pouvoirs exécutifs, prélude au départ du dictateur qu’exige l’opposition. Les Russes soutiennent cette position du régime et récusent toute ingérence externe, répétant que « le sort de Bachar Al-Assad doit être à 100 % décidé par les Syriens eux-mêmes ».

Une position aux antipodes de celle de la France qui, sans exiger le départ du dictateur comme préalable, rappelle haut et fort que celui-ci « ne peut incarner le futur de la Syrie ». « Nous ne disons pas qu’il doit partir demain matin mais il ne peut rester à la tête du pays : c’est pour cela que la question de la transition est essentielle », a rappelé le ministre. Mais sur ce sujet comme sur les autres, les discussions ne sont pas simples. La Russie de Vladimir Poutine est certes redevenue un acteur majeur au Proche-Orient, notamment en Syrie, mais elle reste un interlocuteur aussi indispensable que difficile. « Nous avons choisi la voie étroite du dialogue pour avancer », assure Jean-Marc Ayrault, qui, après une rencontre au Kremlin avec Vladimir Poutine, doit s’entretenir avec son homologue russe, Sergueï Lavrov.