La polémique sur la fin du Pass contraception en Ile-de-France en six questions
La polémique sur la fin du Pass contraception en Ile-de-France en six questions
Par Adrien Sénécat
Valérie Pécresse s’est défendue, lundi 25 avril, face aux critiques qui l’accusent de saper la politique d’accès à la contraception gratuite pour les mineurs.
Valérie Pécresse s’est défendue, lundi 25 avril, face aux critiques qui l’accusent de saper la politique d’accès à la contraception gratuite pour les mineurs. | ERIC FEFERBERG / AFP
Le conseil régional d’Ile-de-France a décidé, le 7 avril, de mettre un terme au Pass contraception. Une décision critiquée par la gauche et le Planning familial, qui voient en cette décision une régression. La présidente de la région, Valérie Pécresse, s’en est défendue lundi 25 avril, sur France Inter, en dénonçant une mesure inefficace. A tort ou à raison ?
Qu’est-ce que le Pass contraception ?
La région Poitou-Charentes fut la première à mettre en place un dispositif de ce type, en 2010. Environ la moitié des autres régions lui a ensuite emboîté le pas, avec des modalités variables, dont l’Ile-de-France en 2011. Dans cette dernière, les élèves pouvaient se procurer des coupons donnant accès gratuitement à l’offre contraceptive (consultation, prise de sang, analyses médicales, contraceptifs, etc.) auprès des infirmières et infirmiers scolaires des lycées. Les tickets sont ensuite utilisables auprès de certains médecins et pharmacies.
Pourquoi Valérie Pécresse y a-t-elle mis un terme ?
La présidente Les Républicains (LR) de la région s’est justifiée en dénonçant un supposé manque d’efficacité du dispositif :
« Qu’est-ce que j’ai fait ? J’ai pris acte, tout simplement, de l’arrêt par la gauche en catimini, fin 2013, de la distribution du Pass contraception en Ile-de-France. Il n’y a plus eu un Pass contraception distribué à une lycéenne d’Ile-de-France depuis janvier 2014. Deux ans. Donc toutes les féministes de salon qui s’offusquent aujourd’hui de la situation auraient peut-être dû aller voir comment ça se passe dans les lycées franciliens et aller regarder ce qu’il se passe pour les adolescentes. »
Valérie Pécresse : "La gauche a mis fin à la distribution du pass contraception"
Durée : 00:30
Valérie Pécresse n’est pas seule à dresser ce constat. « Le taux de recours au Pass est relativement bas » dans les régions concernées, pointait une étude de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) en avril 2015. Moins de 4 % des élèves concernés y auraient recours en moyenne et moins de 50 % des chéquiers seraient utilisés.
L’accès à la contraception va-t-il redevenir payant en Ile-de-France pour les mineurs ?
La mort programmée du Pass ne veut pas dire que les filles et les garçons de moins de 18 ans devront désormais payer pour avoir accès à la contraception. « En Ile-de-France, pour les mineurs, il existait par ailleurs déjà la gratuité dans les centres de planification, rappelle Marie-Hélène Bourven, infirmière conseillère technique auprès du recteur de l’académie de Versailles. La contraception est également gratuite pour eux. C’est plus sur les jeunes majeurs qu’il y a un problème d’accès à la contraception, parce que, eux, n’ont plus la gratuité. »
Le Pass contraception était-il déjà mort ?
« Le problème, c’est qu’on a beaucoup de Pass en stock, mais qu’ils sont inutiles, car pas toujours acceptés par les professionnels de santé libéraux », explique, au Monde, Marie-Hélène Bourven. Sur l’année scolaire 2012-2013, environ 200 carnets ont été distribués dans l’académie, contre moins de 140 l’année qui a suivi, et moins encore l’année suivante.
« Les chiffres ont diminué car les élèves ne le demandaient plus et les infirmières et infirmiers le proposaient de moins en moins, observe-t-elle. Tout le monde savait que beaucoup de médecins ne le prenaient pas. C’est un circuit de remboursement inhabituel pour les professionnels de santé libéraux et donc compliqué pour eux. » Seuls 2 000 Pass auraient été distribués en Ile-de-France depuis 2011, selon Valérie Pécresse.
Selon la conseillère du recteur, il est en revanche erroné de dire, comme le fait la présidente de la région, que plus aucun carnet n’était distribué depuis 2014. « Bien sûr, il a été distribué ces dernières années, moi-même j’en ai donné à des élèves », abonde Annie Routier, secrétaire académique du syndicat des infirmiers éducateurs en santé (Snies), à Versailles.
Selon elle, le fait que les crédits alloués en 2015 (20 000 euros) n’aient pas été dépensés, comme l’affirme Valérie Pécresse, ne veut pas dire que le dispositif était stoppé de fait. « Les coupons ne sont pas datés, c’est nous qui mettons un tampon pour préciser la date. » Comme les infirmières et infirmiers avaient un stock de carnets à leur disposition, ils ont pu continuer d’en donner, sans en recevoir de nouveaux.
Pourquoi l’abandon du Pass est critiqué ?
« Effectivement, le Pass ne fonctionne pas aussi bien qu’il le devrait. Mais justement, la question est de savoir quoi faire face à ce problème, nuance Veronica Noseda, coordinatrice nationale du Planning familial. Il a quand même une utilité : il permet d’atteindre des publics éloignés des centres de planification, par exemple en zones rurales. L’enjeu, c’est d’améliorer la couverture en touchant des personnes qui n’y avaient pas accès auparavant. »
Elle estime par ailleurs que « c’était un mauvais signal de le supprimer en catimini. La présentation politique de cette affaire ne va pas. On supprime la mesure avant d’avoir expliqué que cela ne marchait pas, et avant même de présenter un nouveau projet. » Valérie Pécresse a en effet demandé sur France Inter « un mois » avant de présenter sa nouvelle politique en la matière.
Pour Annie Routier, il est « très discutable » de mettre fin au dispositif. « Si on supprime une mesure au bout de quatre ans, c’est un peu tôt. Pourquoi ne pas l’améliorer ? Elle complétait plutôt bien le reste, car on touchait d’autres publics, notamment en milieu rural, où je travaille. »
La gauche, elle, s’est saisie de l’occasion pour attaquer la présidente de région. Comme Najat Vallaud-Belkacem, qui l’a accusée de faire régresser les droits des femmes.
30 ans après la mort de Simone de Beauvoir, Valérie Pécresse met fin au Pass Contraception. https://t.co/oAdBks8W81
— najatvb (@Najat Belkacem)
Le collectif Osez le féminisme ! juge, quant à lui, que la droite mène une politique conservatrice, sous l’influence de membres de La Manif pour tous qui siègent avec la majorité au conseil régional, tel Franck Margain.
.@vpecresse la suppression du Pass Contraception en IDF est-elle liée à la présence d'élus Manif pour tous dans votre conseil ? #interactiv
— osezlefeminisme (@Osez le féminisme)
La droite attaque-t-elle les droits des femmes dans la région ?
Au-delà du Pass contraception, plusieurs observateurs s’inquiètent de voir des droits des femmes remis en cause. Le Planning familial s’est récemment opposé à la baisse de 30 % des subventions de la région au centre Hubertine-Auclert. La diminution de la dotation allouée à cet organisme, qui lutte contre les inégalités et les discriminations fondées sur le sexe ou le genre, est perçue comme un autre mauvais signal de la part de la nouvelle majorité.
« Non, nous n’attaquons pas les femmes, rétorque Farida Adlani, la vice-présidente centriste d’Ile-de-France chargée de l’action sociale, de la santé et de la famille. Il y a eu une baisse globale des crédits pour tous les organismes associés de la région. Et les personnels ne sont pas menacés », assure-t-elle.
Selon elle, le budget des campagnes de prévention sur les pratiques contraceptives dans les lycées a par ailleurs été augmenté, tout comme les moyens fournis aux centres d’accueil pour les femmes en difficulté. Pour Farida Adlani, « ce qui a été fait en catimini, c’est la non-utilisation des crédits par la gauche, qui nous fait un procès d’intention scandaleux. Elle s’offusque alors qu’elle n’a déposé aucun amendement pour maintenir le Pass contraception. » Et de promettre des propositions dans les semaines qui viennent.