Des supporters de l'équipe tchèque de tennis en novembre 2015. | MICHAL CIZEK / AFP

Comme il y a presque vingt-quatre ans, lorsque deux hommes politiques, le Tchèque Vaclav Klaus, et le Slovaque Vladimir Meciar, avaient convenu de diviser la Tchécoslovaquie sans demander l’avis de leurs concitoyens, six dirigeants praguois ont définitivement tranché les débats récurrents à propos de l’appellation usuelle de la République tchèque, le nom inscrit dans la Constitution.

Les chefs de l’Etat, du gouvernement, de la diplomatie, les présidents des deux chambres du Parlement et le ministre de la défense ont annoncé, jeudi 14 avril, dans un communiqué de presse, qu’ils allaient demander à l’ONU d’enregistrer la forme abrégée Tchéquie en français, Czechia en anglais, Tschechien en allemand, Chequia en espagnol, etc., pour désigner le pays « partout où il n’est pas nécessaire que figure le nom officiel ».

L’annonce a surpris plus d’un homme politique ou commentateur tchèque. Comme le montre le lancement concomitant d’un site Internet pour « expliquer les faits et démentir les mythes », l’opération avait été préparée en catimini depuis quelques semaines alors que le débat sur le sujet était en sommeil.

Les premières réactions ont confirmé qu’il n’existe même pas de consensus au sein du gouvernement, une coalition de centre gauche, ni au Sénat ou à la Chambre des députés, ni a fortiori dans la société. La ministre du développement régional, Karla Slechtova, a déclaré sa ferme opposition au terme « Czechia » sur son compte twitter : « Je ne veux pas qu’on confonde mon pays avec la Chechnia » (la Tchétchénie). Le milliardaire et ministre des finances d’origine slovaque Andrej Babis, numéro deux du cabinet, a écrit « qu’on ne lui fera pas prononcer ce nom ».

Lubie du président Milos Zeman

Si les Tchèques entre eux, et dans la presse locale, utilisent depuis longtemps la forme « Cesko » (prononcez tchessco), ils n’emploient que le nom constitutionnel lorsqu’ils parlent de leur pays à un étranger. La forme brève, en particulier Tschechien, couramment employée dans la presse outre-Rhin, leur est difficilement acceptable car elle rappelle l’appellation usitée par Hitler pour désigner ce qu’il restait de leur pays après son dépeçage au lendemain des accords de Munich.

Lubie du président tchèque, Milos Zeman, qui, depuis sa prise de fonction en 2013, critique régulièrement la « froide » République tchèque pour promouvoir le nom Tchéquie, « court et sympathique », l’adoption de ce terme est un nouveau coup porté à l’héritage du premier président tchèque et ex-dissident Vaclav Havel. Opposé à cette forme tronquée de Tchécoslovaquie dont il ne souhaitait pas l’éclatement, l’intellectuel est la bête noire du M. Zeman.

Ce dernier a décrété la guerre à l’intelligentsia tchèque que le porte-parole présidentiel a assuré, dans un tweet, vouloir envoyer « en rééducation dans les champs et les usines » . Il a aussi entamé un virage à 180 degrés de la politique étrangère de Prague qui était « inféodée aux USA et à l’UE » en déclarant sa flamme aux régimes russe et chinois. Il a remisé au placard la défense des droits de l’homme dans le monde qui était la marque de la diplomatie tchèque et tient, dès qu’on lui tend un micro, des propos xénophobes.