L’amour en banlieue bien loin des clichés
L’amour en banlieue bien loin des clichés
Par Sylvia Zappi
L’étude menée par des lycéens a recueilli 600 réponses, via smartphone ou ordinateur, sur la fidélité, la religion ou encore le partage des tâches ménagères dans le couple.
« L’amour, c’est la confiance et l’égalité. » Les lycéens de banlieue sont fleur bleue en amour et ouverts quand on leur demande de parler d’amour et de définir leur partenaire idéal. Des élèves du lycée Le Corbusier d’Aubervilliers (Seine-Saint-Denis) ont mené une enquête auprès de six cents de leurs camarades de 2de, 1re et terminale, en majorité dans des filières technologiques. Les résultats qu’ils ont obtenus battent en brèche bien des clichés.
Tout est parti d’un atelier de sociologie animé par une professeure de philosophie, Catherine Robert, avec une vingtaine d’élèves. Encadrés par le sociologue Christian Baudelot, ils ont élaboré un questionnaire et distribué des flyers pour constituer leur échantillon. Sur 1 000 élèves que compte l’établissement, ils ont eu près de 600 réponses recueillies via smartphone ou ordinateur. Des élèves d’origines très diverses − seuls 11 % ont leurs deux parents français − et issus de milieux modestes.
L’homme doit savoir jouer à la poupée
Pour une écrasante majorité, filles et garçons confondus, quand ils doivent définir les qualités d’une relation harmonieuse, ils citent la confiance et la complicité. Le partenaire idéal doit aussi être drôle et accepter qu’on se moque de lui. Pas question, en revanche, de supporter des travers dénotant un manque de respect. La rupture est assurée quand le partenaire est infidèle, et en particulier violent pour les filles et menteur pour les garçons. Ces jeunes sont ouverts quant au choix de leur amoureux : peu leur importe qu’il soit de la même couleur, qu’il ait la même origine, ou les mêmes opinions (entre 80 % et 85 % selon les « items »). Les filles sont cependant plus attachées à ce que leur moitié ait la même religion qu’elles.
Croyant ou pas, les adolescents estiment normal que les tâches ménagères soient partagées dans le couple et que la femme ait un emploi. L’homme doit savoir jouer à la poupée avec sa fille (pour 70 % d’entre eux) et la mère au foot avec son fils (les garçons sont un peu moins nombreux à le penser). Mais l’élue du cœur doit plaire au père et à la mère du sondé. Sur la relation homosexuelle, ces jeunes sont moins tolérants : une grosse majorité serait choquée si leur frère était amoureux d’un homme (à 75 % pour les filles, 80 % pour les garçons). Mais sans pour autant adopter de comportement homophobe : si leur meilleur(e) ami(e) leur annonce son penchant gay, ils le gardent ou s’en fichent, les garçons étant cependant moins accommodants que les filles.
Là encore, les chiffres rejoignent le sentiment des Français en général, rappelle l’étude. Au final, note Christian Baudelot, ces jeunes ne sont pas dans un monde à part : « Leur enquête démolit tous les préjugés sur la singularité des lycéens de banlieue », dit le chercheur. « L’étude a conforté ce qu’ils savaient d’eux-mêmes et ils étaient plutôt fiers qu’elle établisse qu’ils n’étaient pas homophobes », renchérit Mme Robert. Les élèves ont d’ailleurs été moins surpris des résultats que leurs professeurs. Le sondage va désormais être étendu à d’autres établissements de Seine-Saint-Denis pour parvenir à un échantillon de 2 000 jeunes.