Le bel appétit des actionnaires chinois
Le bel appétit des actionnaires chinois
LE MONDE ECONOMIE
Pertes et profits. Les groupes chinois animent fortement le marché de l’hotellerie, notamment Jinjiang, qui vient de s’installer au capital du numéro un européen du secteur, Accor.
L’affaire a déchaîné les passions sur les réseaux sociaux. Des vidéos montraient des touristes chinois en Thaïlande prenant d’assaut un buffet, empilant les assiettes de crevettes, comme s’ils n’avaient pas mangé depuis un mois. Les voyageurs de Chine ne passent pas inaperçus. Dans certains pays, on prévoit désormais des transports et des circuits spécifiques. En 2015, près de 120 millions de touristes chinois ont déferlé sur le monde, 20 % de plus que l’année précédente. Et ils ne sont pas venus les mains vides. Selon l’Organisation mondiale du tourisme, ils auraient dépensé 215 milliards de dollars (190 milliards d’euros) à l’étranger.
Pas étonnant que les groupes hôteliers du pays les suivent à la trace. Eux aussi ont de l’argent à dépenser et de l’appétit pour la découverte de nouveaux espaces. Le plus important d’entre eux s’appelle Jinjiang. Il a été créé par la municipalité de Shanghaï et possède notamment le mythique Peace Hotel, au cœur de la ville. Début 2015, il s’est offert le groupe Louvre et ses hôtels Campanile et Kyriad pour 1,3 milliard d’euros. Décidément amoureux de la France, il s’est installé au capital du numéro un européen du secteur, Accor. A l’occasion de la publication de ses résultats trimestriels, mardi 19 avril, le groupe hôtelier a révélé que son homologue chinois détenait au 31 mars près de 15 % du capital de l’hôtelier. Il est désormais son premier actionnaire.
Petit monde
Les deux groupes se connaissent déjà, puisque le Peace Hotel de Shanghai est géré par le groupe Fairmont (FRHI), racheté en décembre dernier par Accor. Le monde de l’hôtellerie est de plus en plus petit. Pas un mois ne passe sans son lot d’acquisitions. Et les Chinois ne sont pas les derniers à animer le marché. En mars, c’est l’assureur Anbang qui a défrayé la chronique en voulant mettre la main sur l’Américain Starwood, convoité par son compatriote Marriott pour 13,3 milliards de dollars. C’est finalement ce dernier qui a emporté le morceau.
Mais la bataille n’est pas finie. Les poches d’Anbang sont profondes, tout comme celles de Fosun, l’heureux propriétaire du Club Med, ou de Wanda, qui a jeté son dévolu sur les parcs d’attractions, les studios d’Hollywood et les clubs de football. Toutes ces fortunes amassées dans l’immobilier se déversent sur le monde aussi sûrement que les touristes affamés dans les restaurants thaïlandais.
Jinjiang va-t-il encore monter au capital d’Accor ? Présenté régulièrement comme cible par les analystes, le français, moins bien valorisé que ses concurrents américains, est engagé, comme ses collègues dans une guerre de mouvement planétaire. Avec deux objectifs, se renforcer dans le luxe, d’où l’achat des hôtels Fairmont et Raffles de FRHI, et prendre le train de l’Internet dans le sillage d’Airbnb et de Booking. com, qui bouleversent le métier. En avril, le français a mis la main sur le britannique Onefinestay, concurrent d’Airbnb. Il devra désormais aussi apprendre à compter en chinois.