Sorti de son devoir de réserve en publiant un livre très critique sur l’état du pays, le général Bertrand Soubelet a perdu son poste de commandant de la gendarmerie d’outre-mer, selon un décret publié dimanche 24 avril au Journal officiel, et daté de vendredi. Son successeur est le général Lambert Lucas, jusqu’alors commandant de la gendarmerie en Guyane.

« Je ne peux m’empêcher de penser que la seule raison de cette nouvelle mise à l’écart est la publication du livre Tout ce qu’il ne faut pas dire », a réagi le général Soubelet à l’AFP. Dans son livre à succès, publié en mars, l’ex-numéro 3 de la gendarmerie, âgé de 56 ans, pourfend notamment des magistrats « jusqu’au-boutistes », un système syndical « dispendieux » et des partis politiques « globalement disqualifiés ».

S’il « ne conteste pas » son remplacement, le général Soubelet a dit s’interroger sur sa place et son action dans le futur : « Pour être mis à l’écart dans ces conditions, j’ai l’impression de constituer un danger pour mon pays, ce qui m’amène à réfléchir à mon avenir immédiat et à la manière dont je vais continuer à servir la France. […] Je tire la conclusion que l’Etat a suffisamment de compétences et de talents pour payer des responsables d’un certain niveau à ne rien faire. »

« Règles de loyauté »

Le Directeur général de la gendarmerie nationale (DGGN), Denis Favier, avait confirmé jeudi que le général Soubelet était « appelé à changer d’affectation » dans « les jours qui viennent », tout en démentant une « sanction » à son encontre. « Il a exercé cette fonction, il en exercera peut-être d’autres dans le futur », avait-il indiqué, sans plus de précision.

« La question n’est pas celle du devoir de réserve », avait expliqué Denis Favier, insistant sur la nécessité de respecter des « règles de loyauté, de transparence, de franchise, d’engagement ». Dans Tout ce qu’il ne faut pas dire, paru chez Plon, Bertrand Soubelet donne sa « contribution citoyenne sans aucun esprit partisan », tout en critiquant sans détours le gouvernement et en livrant un sombre diagnostic sur l’état du pays. Il s’agit d’une prise de position publique inédite pour un haut gradé en exercice de la gendarmerie.

Il avait été muté à l’été 2014 au commandement de la gendarmerie d’outre-mer, après avoir exprimé ses réserves sur la politique pénale face aux délinquants lors d’une audition à l’Assemblée nationale le 18 décembre 2013. Les Républicains ont dénoncé à la mi-avril « l’opération de limogeage » à l’encontre du général, devenu selon le parti la « bête noire du gouvernement » depuis cette audition retentissante. Sa mise à l’écart montre la « fébrilité » des autorités et la nécessité, pour elles, « qu’aucune tête ne dépasse », avait estimé LR.