Le candidat du Parti travailliste et favoris des sondages, Sadiq Khan (à droite) et son adversaire dans la course à la mairie de Londres, le conservateur Zac Goldsmith, pendant un débat, le 23 mars 2016. | NEIL HALL / REUTERS

« Cette élection est un référendum sur le logement. » Sur son site Internet, Sadiq Khan, candidat du parti travailliste, favori pour l’élection municipale de Londres, annonce la couleur : le logement sera son chantier prioritaire s’il est choisi pour succéder au conservateur Boris Johnson le 5 mai.

Les prix astronomiques atteints par le marché de l’immobilier londonien constituent une des principales préoccupations des habitants, comme le confirme un sondage Ipsos de mai 2016. 28 % de la population du centre de Londres et 37 % de celle vivant en périphérie considère le logement comme le problème essentiel aujourd’hui.

« En un an, le prix moyen d’une propriété londonienne a augmenté de 65 191 livres [88 000 euros]. Selon les derniers chiffres du GLA (Greater London Authority), le salaire médian était de 39 100 livres [53 000 euros] et le salaire moyen de 51 770 livres [70 000 euros]. En clair, le propriétaire moyen a gagné plus avec la montée en capital de sa maison qu’avec son salaire », analyse Christian Hilber, professeur à la London School of Economics (LSE).

Carence en logements sociaux

Cette escalade des prix se répercute sur le parc locatif privé, vers lequel sont contraints de se tourner 40 % des Londoniens, contre 20 % dans les années 1990. En l’absence d’encadrement, le loyer mensuel moyen atteignait 2 580 livres (3 500 euros) fin 2015, alors que le salaire annuel moyen était de 2 300 livres (3 150 euros).

Face à ces tarifs démesurés, les moins riches ne peuvent pas non plus compter sur les logements sociaux. En début d’année, on dénombrait 340 000 personnes sur liste d’attente, si bien que 5 000 personnes ont participé à la « marche pour les logements » dans la capitale britannique le 30 janvier.

Une carence due principalement à la politique du « droit à l’achat », lancée en 1980 par Margaret Thatcher, qui permettait aux locataires de logements sociaux d’acheter leur habitation à prix cassé. Entre 1980 et 2011, 3,32 millions de logements sociaux sont ainsi partis dans le domaine privé en Angleterre. En parallèle, la Dame de fer avait interdit aux municipalités d’utiliser l’argent des ventes pour remplacer ces logements sociaux.

Enfin, Londres a connu une forte croissance démographique. Pendant les huit ans de mandature de Boris Johnson, la capitale britannique a accueilli près de 850 000 nouveaux habitants.

Agence immobilière à but non lucratif

Dans son manifeste de campagne, Sadiq Khan pointe du doigt le manque d’effort de construction du maire sortant pour absorber cette importante croissance démographique : « Notre capitale a besoin de plus de 50 000 nouveaux logements par an, le maire actuel en a construit à peine la moitié. »

Et le candidat travailliste n’est jamais à court de petites phrases pour dénoncer les conséquences des manquements de son prédécesseur, comme dans ce tweet où il souligne que « vivre dans un hôtel 4 étoiles revient moins cher que louer un appartement à Londres ».

Sadiq Khan souhaite mettre 50 % du parc immobilier londonien à la portée des primo-accédants et des locataires moyens. Pour cela, il prévoit de débloquer 400 millions de livres pour aider à la construction de 80 000 nouveaux logements par an et veut créer une agence immobilière à but non lucratif pour court-circuiter les agences immobilières traditionnelles.

De son côté, le candidat conservateur est moins prémsent sur ce terrain, « son électorat traditionnel est moins sensible à ces questions », explique Timothy Whitton, de l’Observatoire de la société britannique. Dans une interview accordée à The Big Issue, Zac Goldsmith a évoqué son plan pour lutter contre la crise immobilière. Au programme : construction de 50 000 logements par an sur des terrains publics non utilisés, encadrement des frais d’agence ou encore lutte contre les « propriétaires voyous ».

Ambitions illusoires

« Les ambitions des deux candidats, surtout celles de Sadiq Khan, sont complètement illusoires. Le maire de Londres ne dispose pas du pouvoir suffisant pour enrayer la flambée des prix », commente Christian Hilber. A moins que le gouvernement se saisisse du problème, mais il est peu probable que le premier ministre conservateur, David Cameron, applique une politique travailliste.

Autre promesse de Sadiq Khan, partagée par son rival Zac Goldsmith : contrôler qui sont les acquéreurs de l’immobilier londonien, pour éviter la spéculation causée par les investisseurs étrangers, et ainsi « donner la priorité aux Londoniens ». Là encore, l’intention est louable mais pas vraiment en phase avec la réalité, selon Christian Hilber : « L’immigration et les investisseurs étrangers expliquent assez peu la hausse des prix à Londres. Ainsi ces derniers influencent essentiellement le marché du luxe, et non pas le prix de la maison typique de Londres. »

Malgré toutes ces promesses jugées difficilement tenables, les analystes ne renvoient pas les deux candidats dos à dos pour autant. Timothy Whitton reconnaît que Sadiq Khan, probable vainqueur jeudi, « peut au moins montrer une orientation forte en faveur du logement ». Christian Hilber est moins optimiste. S’il considère le candidat travailliste comme plus volontaire que son adversaire conservateur sur la question du logement, « peu importe lequel des deux sera élu, le résultat sera loin des promesses de campagne ».