C’est la plus importante attaque militaire informatique jamais préparée. Sous le nom de code « Nitro Zeus », les Etats-Unis ont envisagé de neutraliser les défenses aériennes, les réseaux de communication, les usines et les centrales électriques de l’Iran, si les négociations visant à stopper son programme nucléaire militaire échouaient – elles ont débouché sur un accord diplomatique en 2015.

Cette opération secrète d’une ampleur inédite a été révélée par un documentaire d’Alex Gibney, Zero Days, diffusé mercredi 17 février au festival de Berlin. Le New York Times s’est fait confirmer les grandes lignes du plan par des sources au Pentagone, à la Maison Blanche et auprès de la Direction du renseignement national. L’une d’elles indique que « les Etats-Unis n’avaient jamais bâti un plan cyberoffensif à cette échelle ».

Nitro Zeus est la suite de l’opération « Jeux olympiques » qui avait endommagé les centrifugeuses iraniennes de Natanz, dans le centre du pays, avec le virus Stuxnet. Décidée en 2010, alors qu’Israël menaçait l’Iran d’une frappe préemptive, la nouvelle opération du Pentagone visait à offrir un plan d’urgence à Barack Obama en cas d’escalade militaire. Il s’agissait cette fois d’infiltrer les réseaux informatiques iraniens avec des « implants » capables de prendre la main sur les activités industrielles du pays, mais aussi d’attaquer directement ses infrastructures, sur l’ordre du président Obama.

Cyberattaque contre l’Etat islamique

Nitro Zeus comportait aussi un volet clandestin mené par la NSA : une frappe informatique destinée à détruire le centre souterrain d’enrichissement d’uranium de Fordo. Il reste à savoir, souligne le New York Times, si les Américains ont pu pénétrer physiquement dans Fordo et dans quelle mesure ils ont collaboré avec les Israéliens pour préparer l’opération.

Les cybergénéraux expliquent que les opérations militaires du XXIe siècle vont bientôt toutes avoir leur décalque informatique, depuis la contre-propagande jusqu’au contrôle des communications et des systèmes d’armes adverses. Face à l’organisation Etat islamique (EI), nul doute que les plans d’attaque de la coalition occidentale contiennent un volet cyber. Mais aujourd’hui, face à l’EI, une attaque massive n’a pas encore été décidée. Les discussions qui ont entouré la préparation de Nitro Zeus peuvent l’expliquer.

Certains, au département d’Etat notamment, ont souligné que les conséquences de telles attaques ne sont absolument pas maîtrisées. Détruire des centrales électriques pourrait avoir des conséquences désastreuses, inconnues à l’avance, sur toute une population civile. Autre problème majeur : ces opérations évoluent pour l’heure sans règles internationales communes. Tout comme le fut la bombe atomique en 1945, toute première introduit une « nouvelle norme », souligne Michael Hayden, un ancien patron de la CIA. Dans le monde, d’autres acteurs pourraient se sentir légitimés à faire de même. Et menacer les Etats-Unis de mille Nitro Zeus.