Les racines africaines du Brésil
Les racines africaines du Brésil
Par Philippe-Jean Catinchi
Historiens et archéologues reconnaissent tous la justesse d’un combat pour une autre mémoire du pays (vendredi 22 avril, à 21 h 40, sur Toute l’Histoire).
Le documentaire s'intéresse à l'histoire de la traite esclavagiste des Africains qui assura l'essor économique du Brésil. | Toute l'Histoire
Historiens et archéologues reconnaissent tous la justesse d’un combat pour une autre mémoire du pays (vendredi 22 avril, à 21 h 40, sur Toute l’Histoire).
Les Jeux olympiques ont parfois des incidences heureuses. Dans la zone portuaire de Rio, la perspective du rendez-vous de l’été 2016 a ainsi bouleversé la donne et les travaux de revitalisation du quartier ont réveillé une mémoire oubliée : celle de ces Africains arrivés là au terme d’une traite esclavagiste qui assura l’essor économique du Brésil, grâce au sucre, puis au café, au coton et au tabac. On estime que quelque quatre millions d’hommes et de femmes ont été déportés pour assurer la croissance de la colonie portugaise.
En 2011, les archéologues ont ainsi mis au jour le quai de Valongo où s’opéraient les débarquements. Et les informations sur les conditions de vie des captifs en ont été notablement enrichies. Une aubaine pour Merced Guimaraes. Cette femme qui a découvert, en 1996 dans son jardin, un ossuaire – qui s’est avéré être une fosse commune d’esclaves – a remué ciel et terre pour que la mémoire de cette tragédie soit conservée. Quasiment sans soutien jusqu’à ce que, récemment, la ville de Rio ne lui alloue une subvention de 13 000 euros par an, elle a patiemment lutté pour concevoir un lieu de mémoire et de commémoration qui rende justice à ces victimes anonymes.
Un mémorial
Doublement victimes, puisque le vote de la Loi d’or du 13 mai 1888, qui abolit tardivement l’esclavage au Brésil, les a proprement effacées, les rares documents qui auraient pu les renseigner ayant alors été détruits. A deux pas de ce qui fut le « cimetière des nouveaux Noirs », Merced a pensé un mémorial qui accueillait, bon an mal an, 20 000 visiteurs chaque saison, quand la lumière est revenue sur ce sinistre épisode.
Dissipant la fiction d’une nation pluriculturelle harmonieuse, le documentaire d’Angèle Berland croise les propos d’historiens et d’archéologues qui tous reconnaissent la justesse de ce combat pour une autre mémoire brésilienne. Mais c’est la parole de Luiz Sacopa qui bouleverse le plus. Le vieil homme a découvert, à 74 ans, son origine nigériane et l’ethnie yoruba dont il est issu, grâce à la science génétique moderne. Propriétaire sans titre comme la quasi-totalité de ses confrères du quilombo – un de ces refuges d’esclaves en fuite qui ont fini par être reconnus par le droit et devenus une oasis paradisiaque –, Sacopa témoigne dans les écoles d’une histoire et d’un droit toujours fragiles. Un formidable combat pour la mémoire et le droit.
Noir Brésil, d’Angèle Berland (Fr., 2015, 55 min). Vendredi 22 avril, à 21 h 40, sur Toute l’Histoire.