Logistique, administration, ressources humaines... L'armée prévoit de recruter cette année près de 24000 candidats de sans diplôme à bac +5. Un record. | REMY GABALDA / AFP

Titulaire d’un master 2 de philosophie, Michael a fait un choix de carrière plutôt inattendu : l’armée. « J’ai toujours eu l’idée d’entrer à l’école militaire de Saint-Cyr, explique le jeune homme. Les attentats de ces derniers mois ont accentué ma motivation. » Michael a déjà effectué une préparation militaire pour devenir officier dans l’infanterie. « Je veux inscrire mon cursus dans la pratique, servir la France dans l’action », fait-il valoir pour expliquer son parcours plutôt atypique.

Après les attentats du 13 novembre à Paris et à Saint-Denis, ils ont été nombreux à vouloir s’engager dans l’armée. Durant les jours qui ont suivi, les demandes reçues sur le site du ministère de la défense ont triplé : « 154 000 jeunes nous ont contactés en 2015 », indique le capitaine Anne-Lise Llouquet, de la direction des ressources humaines de l’armée de terre. En comparaison, ils étaient 120 000 à avoir rempli le formulaire de recrutement en 2014, année déjà faste en termes de candidatures.

24 000 embauches en 2016

Des jeunes sans diplômes, mais aussi des bac + 5, comme Michael. En quête d’un métier qui fait sens. « Il y a eu le même phénomène aux Etats-Unis après le 11 septembre 2001, observe Eylamine Settoul, sociologue spécialiste de l’armée. Les attentats ont joué le rôle d’électrochoc. Ces jeunes ont envie de se sentir utiles, de défendre la nation. La présence de soldats dans les rues leur permet aussi de s’identifier. »

D’autant que l’armée embauche à tour de bras : autour de 24 000 recrutements sont prévus pour cette année, un record. Pour satisfaire ses besoins, l’armée a assoupli sa procédure de recrutement et propose des contrats courts. Plus de 60 % des militaires exercent sous contrat à durée limitée. « Les postes proposés par l’armée offrent certains avantages, fait valoir Eylamine Settoul. Ils sont bien payés, bénéficient d’un certain prestige symbolique. Et contrairement au secteur civil, où l’on peut être discriminé, l’armée recrute tous les profils. »

Y compris les plus diplômés. « Notre cible, ce sont les jeunes de 17 ans et demi à 30 ans, de sans diplôme à bac + 5 », explique Anne-Lise Llouquet. Toutes les spécialités ou presque sont recherchées : logistique, ressources humaines, administration…

Contrairement aux idées reçues, l’armée offre une grande diversité de métiers : plus de 500 au total. « Avec une licence de lettres, il est possible de travailler dans le service communication, par exemple », précise Eylamine Settoul. « En ce moment, la filière déficitaire, c’est l’informatique, tempère Anne-Lise Llouquet. On recherche des ingénieurs, des chefs de cellule, des responsables de sécurité informatique… » Un commissaire des armées peut, par exemple, travailler comme acheteur ou comme expert en management de la qualité sur un navire, une base aérienne ou dans un régiment. Il perçoit en début de carrière plus de 2 000 euros nets mensuels.

« Des abandons en cours de route »

Quelle que soit leur spécialité, les bac + 3 à bac + 5 ont la possibilité d’intégrer Saint-Cyr qui forme l’élite militaire, via une procédure spéciale. Il est aussi possible de s’engager comme sous-officier, engagé volontaire ou volontaire. Si l’aspirant soldat passe avec succès les épreuves de recrutement, il suit une formation militaire qui comprend des exercices de terrain et des enseignements théoriques. « Les exigences ne sont pas les même en fonction des spécialités, précise Anne-Lise Llouquet. Certains critères sont éliminatoires. Il faut être un minimum sportif, avoir un projet professionnel solide et réussir des tests psychocognitifs. »

Et ne pas avoir peur de partir en opération là où les forces françaises sont engagées. « Le recruté reste militaire avant tout, souligne Anne-Lise Llouquet. On est amené à porter une arme et à s’en servir. »

« Pour ceux qui veulent bouger, voyager, la vie de l’armée n’est pas toujours très excitante », prévient cependant Eylamine Settoul. Un engagement que les aspirants ne mesurent pas toujours. « Il y a des abandons en cours de route », reconnaît Anne-Lise Llouquet. Au final, seul un jeune sur dix se présentant dans un Centre d’information et de recrutement des forces armées (Cirfa) sera effectivement recruté.