Le citron bergamote dont le zeste et le jus viendront assaisonner les fines tranches de daurade. | Klaus Reger / CC-BY-SA-3.0

Emporter en vacances du matériel sportif sophistiqué ou un pan entier de bibliothèque, ça se comprend. Un petit couteau à tout faire ou un bon oreiller, c’est plus rare mais passe encore. A-t-on seulement idée de glisser dans ses ­bagages un ustensile de cuisine ? Eh bien oui, et c’est devenu pour moi une habitude quand je sais que je vais être amenée à me mettre aux fourneaux.

De l’établi à la cuisine

L’objet en question se dissimule aisément dans une paire de bottes l’hiver, ou se drape dans le paréo d’une valise estivale. Il est utile en toute saison et pour nombre de recettes, simples ou plus élaborées. Il permet de mettre en valeur des produits bruts et d’apporter une touche personnelle qui change de l’ordinaire. Qu’est-ce donc ? Fin du suspense : un zesteur-râpe.

Son histoire amusante – entretenue par la marque et dont je n’ai pu vérifier l’authenticité – est celle d’un habile détournement, opéré par une femme futée en quête d’une lame affûtée : en 1994, cette cuisinière canadienne eut l’idée d’aller chiper dans l’atelier de son mari un outil de menuisier pour prélever des zestes d’orange… Le truc fit merveille. Et le secret de la râpe à bois se répandit comme une traînée de poudre dans le petit milieu des ménagères zélées outre-Atlantique ! Dans la foulée, la société américaine Microplane, spécialiste des outils à bois et installée dans l’Arkansas, commercialisa une version à usage spécifiquement culinaire de son ustensile.

Un outil bienveillant avec nos doigts

En vingt ans – dont cinq seulement en France –, cette râpe a connu un succès fulgurant. Qu’a-t-elle donc d’extraordinaire pour susciter un tel engouement, non seulement chez les foodistas et blogueurs toqués de nouveautés mais aussi de la part de chefs renommés ou de cuisiniers amateurs ? Tout simplement une lame en acier inoxydable de haute technicité, qui permet de râper sans effort et ­impeccablement, sans déchiqueter les aliments. Alignées en sages rangées, ses micro-dents acérées libèrent d’aériens flocons dénués d’effiloches disgracieuses, sans menacer les doigts qui opèrent. Un miracle.

Il faut s’être maintes fois écorché le pouce ou l’index, entaillé la peau, écorné les ongles et autres bobos de l’ordinaire cuisinier – parfois avec un résultat médiocre, en plus – pour mesurer la réelle utilité de cet ustensile. Et le soulagement qu’il procure. Un exemple concret : pour une tarte au citron, qui requiert le zeste de quatre ou cinq agrumes, l’opération prend moitié moins de temps qu’avec une râpe ordinaire et donne des zestes d’une extrême finesse, en taille et en goût : les dents peu profondes n’attaquent pas la membrane blanche située sous l’écorce (le zist), source d’amertume. Il existe bien un zesteur cannelé, outil spécifique de la taille d’un épluche-légumes et doté de petits trous aiguisés, mais le résultat est plus grossier.

Autre avantage, le champ d’action du zesteur-râpe, au format d’un triple décimètre d’écolier, ne se limite pas aux agrumes. Il virevolte du parmesan au gingembre, de la truffe à la noix de muscade, du chocolat à la fève tonka. La fine fleur de ces ingrédients de choix se voit ainsi pulvérisée en un voile d’arômes, pour assaisonner, dans l’ordre ou dans le désordre et selon l’inspiration du jour, des pasta, un wok de légumes, une béchamel, une vinaigrette, un tartare iodé ou une salade de fruits.

La recette

Ingrédients (pour 4 personnes)

  • 1 daurade
  • 1 citron bergamote
  • Huile d’olive
  • Fleur de sel
  • Poivre
  • Un quart de fève tonka
  • Quelques feuilles de pourpier

Demandez à votre poissonnier de lever les filets d’une grosse ­daurade, et si possible de les découper en tranches fines. Sinon, faites-le vous-même : placez les filets 10 minutes au congélateur pour les raffermir puis découpez-les avec un bon couteau tenu à plat, en taillant des tranches de 3 mm d’épaisseur.

Disposez-les harmonieusement sur quatre petites assiettes. Avec le ­zesteur-râpe, prélevez le zeste d’un agrume non traité ou bio : ­citron bergamote en saison, sinon citron jaune de Sicile ou ­citron vert. Répartissez les zestes sur les carpaccios, puis arrosez avec le jus de l’agrume et un trait d’huile d’olive extra-vierge.

Parsemez de fleur de sel, de bon poivre (rouge de Kampot, par exemple) fraîchement moulu. En finition, ­râpez éventuellement un quart de fève tonka au-dessus de chaque assiette. Dispersez quelques feuilles de pourpier et servez bien frais.