Refondation de l’école : où en est-on ?
Refondation de l’école : où en est-on ?
Par Aurélie Collas
Budget, programmes, ZEP... Trois ans après la promulgation de la loi de refondation de l’école, que reste-t-il à faire ?
Création de 60 000 postes, priorité au primaire, formation des enseignants… Bientôt trois ans après la promulgation de la loi de refondation de l’école du 8 juillet 2013 – qui inscrit dans le marbre la politique éducative de la gauche -, et un an avant la fin du quinquennat, qu’en est-il de la « priorité à l’éducation » portée par le candidat François Hollande à l’élection présidentielle de 2012 ?
Les « Journées de la refondation de l’école », qui réunissent, les 2 et 3 mai à Paris, près de 2000 personnes – en présence des trois ministres de l’éducation du quinquennat, Vincent Peillon, Benoît Hamon et Najat Vallaud-Belkacem -, doivent permettre à la communauté éducative d’échanger autour des réformes engagées depuis 2012. Et au gouvernement d’en assurer le « service après-vente » : montrer l’ampleur et la cohérence du chantier, promouvoir ses actions, atténuer certaines critiques. L’occasion de faire un point d’étape sur les mesures inscrites dans la loi : qu’est-ce qui a été fait, que reste-t-il à faire ?
- « Réinvestir dans les moyens humains ». Au cœur de l’engagement de François Hollande, la création, en cinq ans, de 60 000 postes dans l’éducation nationale, l’enseignement supérieur et l’enseignement agricole, après plusieurs années de disette budgétaire sous la droite. Au ministère de l’éducation, on juge la promesse « en passe d’être tenue » : au total, 47 078 postes auront été crées en 2016 (42 338 dans l’enseignement scolaire, 4 000 dans le supérieur et 740 dans l’enseignement agricole). Restera près de 13 000 postes à créer en 2017.
Ces emplois ont servi à permettre de nouveaux dispositifs, à améliorer le remplacement des enseignants (un peu plus de 2 000 postes de remplaçants ont été créés au primaire mais seulement une trentaine dans le secondaire), à rétablir une année de stage pour les futurs professeurs, mais aussi à faire face à la forte augmentation du nombre d’élèves, en particulier au collège et au lycée – conséquence du « babyboom » du début des années 2000.
- « Donner la priorité à l’école primaire ». C’est le slogan du gouvernement martelé depuis 2012, la promesse de « mettre le paquet » sur ce moment déterminant de la scolarité où se construisent les apprentissages fondamentaux et où se prévient l’échec scolaire. Cette priorité devait s’incarner par deux mesures phares : la scolarisation des enfants de moins de 3 ans et le « plus de maîtres que de classes » (intervention de deux enseignants en classe). Sur les 3 000 postes annoncés sur le quinquennat pour la scolarisation précoce, seuls 1 000 ont pour l’heure été créés. L’objectif était d’atteindre 30 % d’enfants de 2 ans scolarisés dans les zones défavorisées à l’horizon 2017 ; la proportion stagne en réalité à 20,6 % (20,4 % en 2013). S’agissant des maîtres surnuméraires, 2 300 postes (sur les 7 000 prévus) ont été créés.
Si la mise en œuvre de la priorité au primaire est « réelle », elle reste « peu visible » sur le terrain, estimait, en janvier, le député (PS) Yves Durand, ex-rapporteur de la loi sur l’école de 2013, dans un rapport parlementaire. « L’absorption [des postes] par la poussée démographique et le peu de personnes concernées, par exemple par le dispositif « plus de maîtres que de classes », font que seul un peu nombre de personnes a été impacté. » Par ailleurs, les nouveaux rythmes scolaires, qui ont monopolisé le débat sur l’école en 2013 et 2014, ont « occulté tous les autres points de la refondation », toujours selon ce rapport.
- « Repenser le collège unique ». S’il est peu probable que le lycée, rénové en 2010, et le baccalauréat – monument historique réputé intouchable –, ne fassent l’objet de réformes d’ici à 2017, le collège, lui, va connaître d’importants changements à la rentrée 2016 : nouveaux programmes, nouvelle organisation (avec l’accompagnement personnalisé et les enseignements pratiques interdisciplinaires), nouveaux bulletins scolaires, nouveau brevet… Le ministère consacre à cette réforme 4 000 postes, principalement pour mettre en place des petits groupes d’élèves ou faire de la « cointervention » (deux enseignants en classe).
Après un an de polémiques et à quatre mois de la rentrée, le SNES-FSU, syndicat majoritaire dans le secondaire, exige toujours de « rouvrir le débat sur le collège ». Sur le terrain, la réforme continue à susciter beaucoup d’inquiétudes et de mécontentements. Conséquence : « Tous les enseignants ne se l’approprieront pas à la même vitesse, estime Christian Chevalier, du syndicat des enseignants de l’UNSA. Il y aura à la rentrée des collèges qui feront le minimum pédagogique pour la mettre en œuvre, et d’autres qui iront plus loin. »
- « Refonder la formation des enseignants ». C’est l’un des chantiers les plus importants de la refondation. Il s’agissait de recréer l’année de formation en alternance des enseignants stagiaires qui avait été supprimée par la droite en 2010. Les professeurs débutants se retrouvaient parachutés devant les élèves sans y avoir été préparés. Combiné au peu de postes ouverts aux concours, cela a eu pour conséquence une chute brutale des candidats au professorat.
Sur le papier, la promesse a été tenue : de nouvelles écoles supérieures du professorat et de l’éducation (ESPE) ont ouvert leurs portes en 2013, et les enseignants stagiaires assurent neuf heures de cours par semaine durant leur master 2. Les candidats aux concours sont plus nombreux, même si dans certaines disciplines, comme en mathématiques, ils demeurent insuffisants. Par ailleurs, si l’on en croit les inspections générales, il reste du chemin à parcourir pour que la formation des maîtres, à qui on a longtemps reproché d’être trop centrée sur les savoirs, pas assez sur les savoir-faire, soit davantage « professionnalisée ».
- « Mettre en place de nouveaux contenus d’enseignement ». Garantie de transparence et d’indépendance, un Conseil supérieur des programmes (CSP) est, depuis 2013, aux manettes de la redéfinition des programmes. Son ordre de mission était pour le moins ambitieux, puisqu’il était chargé de revoir tous les contenus de la maternelle à la 3e.. Le CSP a également réécrit le « socle commun de connaissances et de compétences » – ce bagage que doivent maîtriser tous les élèves à la fin de la scolarité obligatoire –, redéfini des cycles d’enseignement (maternelle, CP-CE1-CE2, CM1-CM2-6e, 5e-4e-3e), conçu le nouvel enseignement morale et civique… Le nouveau programme de maternelle est entré en vigueur en 2015 ; ceux de l’école élémentaire et du collège seront appliqués à la rentrée 2016.
- « Refonder l’éducation prioritaire pour une école plus juste ». Après celles de 1997 et de 2006, une nouvelle relance de l’éducation prioritaire en 2014 devait permettre de réduire l’écart de réussite entre les élèves de ZEP et les autres. L’idée, entre autres, était de resserrer la carte des ZEP, qui englobe 20 % des collèges, pour accroître l’investissement dans les zones qui en ont le plus besoin. La carte a été revue à la marge : sans diminuer le périmètre des ZEP, un noyau dur a été défini, les 350 « REP+ » (réseaux d’éducation prioritaire), qui reçoivent davantage de moyens, auxquels s’ajoutent 739 « REP ». Dans les REP+, les enseignants bénéficient d’une réduction du temps de service ; ils ont davantage de jours de formation et leur prime a été revalorisée. Reste que le label fait toujours fuir les classes moyennes et favorisées, et que les élèves de milieux défavorisés ou en difficulté scolaire restent concentrés dans ces zones.
Pour accroître la mixité dans ces collèges, la gauche a avancé avec prudence. Quatre ans après le début du quinquennat, elle s’est finalement emparée de l’épineux sujet de la carte scolaire, se contentant d’encourager les départements – compétents en matière de sectorisation des collèges – à trouver des solutions. Une vingtaine de conseils généraux (sur 100) se sont engagés à mener des expérimentations en ce sens à la rentrée 2016.
- « Développer une grande ambition numérique ». François Hollande voulait faire de la France un pays « leader dans l’e-éducation ». Si l’hexagone n’a pas rattrapé son retard en la matière, il s’est lancé dans la course. Plusieurs plans se sont succédé depuis 2012 : de la « stratégie numérique » de Vincent Peillon au programme « écoles connectées » pour un accès internet à haut débit. Un pas de plus a été franchi en mai 2015. Le chef de l’Etat a annoncé un nouveau plan d’un milliard d’euros pour doter 100 % des collégiens d’équipements individuels mobiles (principalement des tablettes) à l’horizon 2018.
Le gouvernement finance aussi la création de ressources numériques et un plan de formation des enseignants. A partir de la rentrée 2016, les élèves seront initiés au codage dès le primaire. Par ailleurs, la spécialité « informatique et sciences du numérique », qui était réservée aux élèves de terminale S, est proposée depuis cette année en enseignement d’exploration en 2de. Elle sera étendue en 1re sous forme d’option et généralisée à toutes les séries.