Sous-locations Airbnb : les propriétaires se rebiffent
Sous-locations Airbnb : les propriétaires se rebiffent
LE MONDE ECONOMIE
Depuis la première affaire en février 2014, plusieurs autres sont passées devant les tribunaux parisiens. La dernière en date marque un tournant, car le locataire fautif a été condamné à verser des dommages et intérêts.
Dans les bureaux parisiens d'Airbnb, en 2015. | MARTIN BUREAU / AFP
Les propriétaires tolèrent de moins en moins que leurs locataires sous-louent, sans leur assentiment et à des prix souvent exorbitants, leurs logements à des vacanciers. Et ils réussissent à faire valoir leurs droits. Quelques jugements récents le montrent. Le 6 avril, le tribunal d’instance du 5e arrondissement de Paris a condamné les locataires d’un duplex avec terrasse et vue sur Notre-Dame à payer à leur bailleur – en l’occurrence le fils du cinéaste Georges Lautner – 5 000 euros de dommages et intérêts pour l’avoir loué, sur la plate-forme Airbnb, au prix de 700 euros la semaine.
Il s’agit de la première condamnation à verser des dommages et intérêts pour ce motif. « En remontant tous les avis laissés par les touristes sur le site d’Airbnb à la suite de leur séjour, nous avons estimé que le montant indûment perçu par ce locataire se montait à au moins 22 000 euros, explique Mathieu Croizet, avocat de M. Lautner. C’est donc une violation manifeste et durable du bail, notoire sur trois ans », conclut-il. M. Lautner s’est aperçu du comportement indélicat de ses locataires, deux documentaristes intermittents du spectacle, à l’occasion d’une première procédure pour mettre fin à leur bail, et il a, par le même jugement, obtenu leur expulsion faute d’avoir quitté les lieux dans les temps, au 31 mai 2015.
« Jurisprudence Airbnb »
Ce que l’on peut appeler « la jurisprudence Airbnb » a été inauguré le 13 février 2014, lorsque le tribunal d’instance du 9e arrondissement, saisi par la société civile de placement immobilier Pixel, poursuivait le locataire d’un six-pièces, qui sous-louait en permanence deux chambres à des « amis », moyennant 300 euros par mois chacun, et à l’occasion, une chambre à des gens de passage, contre 450 euros par semaine. Le loyer versé à Pixel ne dépassait pas, lui, 2 500 euros par mois. Les juges ont estimé que « si M. Laurent M. est parfaitement en droit d’héberger qui bon lui semble chez lui, il ne peut cependant en tirer un profit financier » et l’ont condamné à payer la somme de 2 000 euros en remboursement des frais de justice, sans prononcer la résiliation du bail, « les faits reprochés n’étant pas d’une gravité suffisante », et se contentant de rappeler que « la procédure valait avertissement solennel de se conformer à ses obligations ». Car la sous-location n’est possible qu’avec l’assentiment express du propriétaire et au prix du bail, éventuellement rapporté à la surface louée.
Enfin, une troisième affaire a, le 14 janvier, devant le tribunal d’instance du 13e arrondissement de Paris, opposé un locataire HLM à son bailleur Paris Habitat, désormais très vigilant sur ce type de sous-locations sauvages. M et Mme G. avaient proposé leur appartement de cinq pièces sur le site Airbnb – sous l’intitulé prometteur « Lovely apartment near the Seine » – pour le louer pendant leurs vacances, moyennant 80 euros par nuit ou 2 000 euros par mois, alors que leur loyer, aide personnalisée au logement non déduite, ne dépassait pas 1 400 euros. Paris Habitat a obtenu une amende de 5 000 euros et le remboursement des frais de justice, mais les juges n’ont pas accordé de dommages et intérêts, estimant que le préjudice n’était pas établi, et n’ont pas non plus prononcé la résiliation du bail, laissant, eux aussi, une seconde chance aux locataires. Le service de communication de Paris Habitat précise :
« Nous adressons, sur ces motifs, une vingtaine de mises en demeure par an et avons une dizaine de procédures en cours, ce qui est très peu pour notre parc de 125 000 logements. »