MICROSCOPE (MICRO-Satellite à traînée Compensée pour l'Observation du Principe d'Equivalence) est le troisième micro-satellite de la filière Myriade du CNES. Il est dédié à une expérience de physique fondamentale. | CNES/ill. DAVID DUCROS 2016

Faire mentir Galilée, Newton et Einstein. Tel est l’objectif de l’audacieuse expérience scientifique qui va débuter à 711 kilomètres de la Terre avec le satellite Microscope du Centre national d’études spatiales (CNES). Après plusieurs reports dus à la météo et une anomalie de la fusée Soyouz, il a été mis en orbite héliosynchrone, lundi 25 avril, depuis le centre spatial guyanais, à Kourou. Il testera, durant deux ans, la véracité de l’un des grands postulats de la physique moderne : le « principe d’équivalence ».

Observé par Galilée, puis par Newton, élevé au rang de « théorie heuristique » par Albert Einstein qui s’en servit comme base pour ses travaux sur la relativité générale, celui-ci dit que tous les corps en chute libre tombent dans le vide à la même vitesse, quelle que soit leur masse ou leur composition chimique. Une assertion qui a été vérifiée expérimentalement par les physiciens, jusqu’à la treizième décimale après la virgule. Mais qui « a longtemps été un sujet d’étonnement pour les savants », racontait, quelques jours avant le lancement, le physicien Thibault Damour de l’Institut des hautes études scientifiques (Bures-sur-Yvette, Essonne).

Haute précision

Microscope va devoir établir si la proposition est vraie, avec un degré de précision relative cent fois supérieur à tous les tests jamais réalisés. Elle va consister, explique son principal investigateur, Pierre Touboul (Office national d’études et de recherches aérospatiales [Onera]), « à déposer dans l’espace deux cylindres – l’un en platine, l’autre en titane – insérés l’un dans l’autre. Puis à mettre ces pièces métalliques en chute libre en leur faisant décrire des séries d’orbites autour de la Terre ». Si le principe d’équivalence est vrai jusqu’à un certain degré seulement, alors on devrait constater une différence dans les forces électrostatiques générées par le dispositif pour maintenir égales l’altitude et l’accélération de ces deux objets de compositions chimiques différentes.

Ce qui serait, à coup sûr, un événement majeur pour la physique. Certains des modèles développés par les spécialistes de la « théorie des cordes » – qui prétend réunir, dans un même cadre, la relativité générale (qui décrit la gravitation) et la physique quantique (qui rend compte des autres interactions fondamentales ou forces de la nature) – prévoient en effet la possibilité que le principe d’équivalence soit violé. Une mise en défaut qui, explique Thibault Damour, « ouvrirait la voie à la découverte d’autres dimensions dans l’Univers – jusqu’à sept en plus des quatre d’espace et de temps que nous connaissons –, ainsi qu’à la mise en évidence d’une interaction fondamentale supplémentaire ». Une nouvelle force de la nature, à longue portée, se superposant à la gravité, à même d’agir différemment sur les noyaux des atomes, selon que leur énergie électrique est plus ou moins grande !

Huit micropropulseurs à gaz froid

Imaginée en 1991, sélectionnée une première fois en 1999, puis une seconde en 2004, la mission aura mis du temps à prendre son envol. Sa conception confiée au CNES a aussi été un défi en raison des multiples perturbations que subit un satellite en vol : traînée produite dans l’atmosphère résiduelle de notre planète, vents solaires, particules venues de l’espace, variations du champ magnétique terrestre, craquements dus aux variations de températures entre le jour et la nuit…

C’est pourquoi, explique Yves André, chef du projet Microscope au CNES, « le satellite de 303 kg de la filière Myriade dont nous avons assuré la maîtrise d’ouvrage a été équipé de huit micropropulseurs à gaz froid fournis par l’Agence spatiale européenne [ESA] ». Ceux-ci maintiennent en permanence Microscope à la bonne altitude et sous l’accélération adéquate, en exerçant de délicates poussées, équivalentes à celles qu’il serait nécessaire pour soulever sur Terre… un grain de sable.

Impliquant également le laboratoire Géoazur (OCA-CNRS), l’agence spatiale allemande, DLR, ainsi que le laboratoire de métrologie allemand, PTB, et le laboratoire de technologie spatiale appliquée et de la microgravité de l’université de Brème, ZARM, la mission n’aurait pu voir le jour sans la technologie des « accéléromètres électrostatiques spatiaux ultrasensibles » développés par l’Onera, et dont Microscope constitue le cinquième vol à bord d’un satellite.

Ces instruments mettront-ils en évidence une violation du principe d’équivalence ? « Si cela arrivait, il est certain que cela encouragerait le lancement d’autres missions spatiales consacrées à la science fondamentale », estimait, à Kourou, juste avant le tir, Jean-Yves Le Gall, le président du CNES.