Bayer-Monsanto : manger ou être mangé
Bayer-Monsanto : manger ou être mangé
LE MONDE ECONOMIE
Pertes & profits. Le grand chimiste allemand travaille sur une offre à plus de 40 milliards de dollars pour reprendre le roi américain des semences.
Le cours de Monsanto était en hausse, jeudi 12 mai, à la Bourse de New York. | Richard Drew / AP
Le paradoxe surprend toujours. L’Allemagne, pays du renoncement au nucléaire et du végétarisme, où la conscience écologique est la plus puissante en Europe avec la Scandinavie, est aussi le paradis des fabricants de pesticides. Et cette particularité pourrait bien être encore renforcée si Bayer parvient à mettre la main sur Monsanto. L’agence Bloomberg a révélé, jeudi 12 mai, que le grand chimiste rhénan travaillait sur une offre à plus de 40 milliards de dollars (35 milliards d’euros) sur le roi américain des semences, producteur du fameux herbicide Roundup et cible favorite des écologistes du monde entier.
Evolution séparée
Si elle se concrétise, l’affaire marquera une nouvelle étape dans la fantastique concentration qui saisit en ce moment le métier de l’agro-industrie. Aux Etats-Unis, les géants DuPont et Dow Chemical ont décidé, début 2016, d’unir leur destin pour la modique somme de 130 milliards de dollars, tandis que le chinois ChemChina a mis la main sur le suisse Syngenta, en avril dernier, pour 43 milliards de dollars.
La règle semble désormais simple : manger ou être mangé. Par deux fois, en 2014 puis à plusieurs reprises en 2015, Monsanto a tenté d’avaler Syngenta. Il a finalement jeté l’éponge. Depuis, son cours de Bourse s’est affaissé, ses derniers résultats ont été affectés par la baisse de revenu des agriculteurs américains et il est passé du statut de prédateur à celui de proie. Tapis dans l’ombre, deux géants de la chimie allemande, Bayer et BASF, sont à l’affût. Et il n’est pas impossible que ce dernier surenchérisse sur l’offre de son concurrent et voisin.
Restructuration profonde des métiers de la chimie
Cette frénésie est un nouvel épisode de la restructuration profonde des métiers de la chimie. Autrefois unis autour des mêmes technologies, chimie, pharmacie et agro-industrie ont évolué séparément. Les géants des molécules se séparant de leurs activités pharmaceutique puis agricole, toutes deux en plein bouleversement sous le coup de l’émergence des biotechnologies. Pour Bayer, l’inventeur de l’aspirine en 1899, c’est au seuil du XXIe siècle que l’entreprise a choisi de se concentrer sur les sciences de la vie. En se séparant progressivement de sa chimie classique, mise en Bourse en septembre 2015, et en se renforçant par acquisitions méthodiques dans les médicaments, puis dans l’agro-industrie. Avec Monsanto, il dominerait plus du quart du marché mondial et même presque un tiers de celui des semences, grâce, notamment, aux fameux OGM de l’américain.
Ces mouvements capitalistiques de grande ampleur, largement poussés par les actionnaires, posent un vrai problème de compétition sur le marché mondial du traitement des cultures. Les autorités de concurrence américaines n’ont pas encore avalisé les opérations de ces derniers mois. Au-delà, ces dernières vont encore renforcer la puissance commerciale de ces entreprises face à la clientèle émiettée, et souvent fragile des agriculteurs du monde entier. A surveiller de près