En Algérie, l’avenir du quotidien « El-Khabar » en suspens
En Algérie, l’avenir du quotidien « El-Khabar » en suspens
Par Redha Dahmani
Le bras de fer entre Alger et Issad Rebrab, qui a racheté le groupe El-Khabar, est perçu comme une tentative de contrôle de l’information par le pouvoir.
Le 11 mai 2016, à Alger, des employés du quotidien « El-Khabar » manifestent contre la décision du pouvoir algérien de s’opposer au rachat du groupe de presse par l’homme d’affaires Issad Rebrab, connu pour son opposition au régime. | REUTERS
L’industriel algérien Issad Rebrab n’en démord pas : l’action en justice intentée par le ministre de la communication Hamid Grine pour annuler l’acquisition du groupe El-Khabar par une filiale de son groupe Cevital est un « coup de force » contre la presse indépendante. Saisi en référé, le tribunal de Bir Mourad Raïs a de nouveau reporté, mercredi 11 mai, l’audience au 25 mai. Le renvoi est destiné à permettre aux avocats du ministère de répondre au mémoire présenté par les défenseurs du groupe de presse.
Depuis fin avril, le ministère de la communication s’oppose à ce rachat par l’homme d’affaires. Pour Hamid Grine, la transaction viole l’article 25 du Code de l’information : « Une même personne morale de droit algérien ne peut posséder, contrôler ou diriger qu’une seule publication périodique d’information générale de même périodicité éditée en Algérie », détaille l’article.
Si Issad Rebrab est bien l’actionnaire majoritaire du quotidien Liberté, via la société SAEC, ce n’est pas cette dernière qui a réalisé l’opération. Pour acquérir le groupe El-Khabar qui inclut le quotidien éponyme, une chaîne de télévision (KBC), des imprimeries et une société de diffusion, Issad Rebrab a créé la société Ness Prod. Elle a acquis plus de 94 % du groupe pour un montant estimé à 4 milliards de dinars (32 millions d’euros).
El-Khabar, l’un des plus grands titres du pays, connu pour ses positions critiques envers le pouvoir, s’est retrouvé dans un feuilleton où s’entrechoquent la défense de la presse indépendante et les enjeux politico-économiques. Il est certain que les attaques du PDG de Cevital envers le pouvoir ainsi que son opposition au quatrième mandat d’Abdelaziz Bouteflika ont contribué à nourrir une certaine méfiance à son égard.
Mauvais signal pour les Algériens
La décision du ministère de s’opposer à ce rachat peut paraître d’autant plus injuste que, dans le même temps, Ali Haddad, président du Forum des chefs d’entreprises (FCE) et propriétaire du groupe ETRBH Haddad possède deux quotidiens, Le Temps d’Algérie et son pendant arabe Wakt El-Djazair, ainsi que deux chaînes de télévision, Dzair TV et Dzair News. Mais, à la différence d’Issad Rebrab, Ali Haddad a soutenu sans réserve un quatrième mandat du président Bouteflika et cultive une proximité avec Saïd, le puissant frère du président algérien.
Le sort d’El-Khabar, créé en 1990 à la fin du parti unique et qui dispose de ses propres rotatives, contrairement à la plupart des titres dépendant de celles de l’Etat, ne laisse pas les Algériens indifférents. Citoyens lambda, personnalités politiques, tous se mobilisent en sa faveur. L’ancien premier ministre Ali Benflis parle d’une « épuration médiatique ». Dans un texte publié par le quotidien Liberté, l’avocat et militant des droits de l’homme Ali Yahia Abdennour considère que les poursuites judiciaires contre El-Khabar sont « une faute politique ».
Cette incertitude qui pèse sur le quotidien est vue comme un mauvais signal par les Algériens. Elle accrédite la thèse d’une mise au pas de la presse par le pouvoir algérien désireux de minimiser la crise économique et le flou autour de la santé du président Bouteflika.