Le Maroc fait les yeux doux à la Chine
Le Maroc fait les yeux doux à la Chine
Par Sébastien Le Belzic (chroniqueur Le Monde Afrique, Hongkong)
Pékin vient d’ouvrir grand ses bras et son portefeuille au royaume chérifien avec la signature de quinze accords stratégiques.
« Nous sommes une porte d’entrée vers l’Afrique », lance le représentant en Chine de la Banque marocaine du commerce extérieur (BMCE), Adil Zellou. A l’heure où la Chine n’a d’yeux que pour sa « route de la soie » qui l’emmène plus à l’Est, vers l’Egypte et Djibouti, Rabat joue une autre carte, celle de trait d’union entre l’Afrique francophone et l’Europe du Sud.
Le message a semble-t-il été bien reçu la semaine dernière à Pékin lors de la visite en grande pompe du roi Mohammed VI. Signatures d’un partenariat stratégique avec le président chinois et de quinze accords économiques et partenariats public-privé représentant plus de 110 millions d’euros de contrats. A terme, le Maroc se verrait bien conclure un accord de libre-échange avec Pékin et devenir ainsi le carrefour des investissements chinois en Afrique du Nord, devant l’Algérie pourtant en pointe dans ce domaine.
Quatrième partenaire commercial du Maroc
En 2015, le volume des échanges commerciaux entre la Chine et le Maroc a atteint à peine 3,4 milliards de dollars (3 milliards d’euros), soit trois fois moins qu’entre l’Algérie et la Chine ! La Chine est le quatrième partenaire commercial du Maroc quand elle est le premier en Algérie depuis trois ans maintenant, devant la France.
Près de huit cents entreprises chinoises sont présentes en Algérie, notamment dans le bâtiment, les travaux publics et l’import-export. Différents projets très ambitieux y sont confiés à des entreprises chinoises, dont la grande mosquée et l’opéra d’Alger. A l’inverse, seuls une trentaine de groupes chinois opèrent pour l’instant au Maroc.
La visite de Mohammed VI à Pékin avait donc pour ambition de donner un coup d’accélérateur dans les relations sino-marocaines, avec une spécificité cependant : l’importance que revêt le secteur bancaire.
Accord d’échange de devises entre les deux pays
Les grands établissements du royaume dominent en effet la scène bancaire en zone francophone. Symboliquement d’ailleurs, cette visite avait débuté par la signature d’un accord d’échange de devises entre les deux pays. L’objectif étant de fournir aux banques des liquidités en yuan pour les comptes de leur clientèle et ainsi de fluidifier les investissements chinois au Maroc et dans le nord du continent.
Bank of China, l’une des quatre grandes banques commerciales d’Etat, a inauguré en mars à Casablanca son premier bureau de représentation au Maroc. Quant à Attijariwafa Bank, elle multiplie également les initiatives afin d’apparaître comme le partenaire local indispensable pour accompagner les entreprises et les investisseurs entre la Chine et l’Afrique francophone.
Un coup de fouet aux investissements chinois au Maroc
Il y a tout juste un an, la banque chinoise d’import-export ouvrait elle aussi son premier bureau au Maroc et son deuxième bureau en Afrique après celui de Johannesburg. Vingt-six pays du continent sont ainsi traités depuis Rabat. L’Exim Bank est le bras financier de Pékin sur le continent. C’est elle qui finance la plupart des gigantesques projets d’infrastructures menés par les entreprises chinoises. La banque chinoise ICBC prend également pied au Maroc via un partenariat avec le groupe Anouar Invest, la BMCE étant pour l’heure la seule implantée en Chine via son bureau de représentation de Pékin.
La signature la semaine dernière d’importants contrats allant d’une cimenterie aux bus électriques, en passant par un parc industriel à Tanger et un ambitieux projet de déviation des eaux du nord vers le sud du Maroc, sur le modèle de celui mené en Chine, devrait donner un coup de fouet aux investissements chinois au Maroc. Un fonds spécifique a également été mis en place entre le China Africa Development Fund et Attijariwafa Bank pour financer ces projets spécifiques sino-marocains.
Sébastien Le Belzic est installé en Chine depuis 2007. Il dirige le site Chinafrica.info, un magazine sur la « Chinafrique » et les économies émergentes.