« Mademoiselle » : un jeu de massacre ludique et érotique
« Mademoiselle » : un jeu de massacre ludique et érotique
Par Isabelle Regnier
Cette épopée érotico-féministe, présentée à Cannes en compétition, se révèle plus subtile que les précédents films du Coréen Park Chan-wook.
Champion du box-office coréen avec Old Boy (2003) ou Lady Vengeance (2005), spécialiste des anamorphoses et autres outrances numériques, grand maître de la revisitation sado-doloriste des genres cinématographiques les plus violents, Park Chan-wook n’a pas pour habitude de faire dans la subtilité, ou la délicatesse. Avouons-le, ce n’est pas le cœur léger que nous nous dirigions, samedi 14 mai à 8 heures du matin, vers l’amphithéâtre Lumière pour passer 2 h 25 devant son nouveau film, Mademoiselle. Mais cette épopée érotico-féministe en trois actes, située entre la Corée et le Japon pendant la seconde guerre mondiale, aura vite fait de balayer nos préventions, et ces 2 h 25 furent de fait assez savoureuses.
Inspiré du roman Fingersmith (Du bout des doigts, publié chez 10-18) de l’écrivaine britannique Sarah Waters, Mademoiselle est une histoire de manipulation et de vengeance sur fond de guerre des sexes et de lutte des classes. Un jeu de massacre ludique centré sur quatre personnages enfermés dans une gigantesque demeure japonaise, construite dans un style victorien : une belle héritière, une orpheline coréenne qui lui sert de bonne, un bibliophile érotomane qui la maintient en captivité, et un escroc qui veut mettre la main sur sa fortune.
Deux sublimes actrices
Nous ne nous appesantirons pas sur l’histoire, dont chaque nouvelle partie révèle une nouvelle dimension, remettant radicalement en cause ce qui avait été montré dans la précédente. Dans cette manière un peu ricanante qu’il a de se jouer de son public, qui fait écho au comportement de ses personnages, le film trouve sa limite.
Mais celle-ci ne gâche pas le plaisir purement esthétique qu’il procure. Flirtant avec le cartoon et la bande dessinée, fétichisant les accessoires, les décors, les visages et les corps de ses deux sublimes actrices, la mise en scène culmine dans deux scènes d’amour lesbiennes aussi intenses que graphiques, qui évoquent les estampes érotiques dont regorge la bibliothèque de l’épouvantable geôlier. On en redemanderait volontiers.
MADEMOISELLE - PARK Chan-wook - Teaser
Durée : 00:57
Film coréen de Park Chan-wook avec Kim Min-Hee, Kim Tae-ri, Jung-woo Ha (2 h 25). Sur le Web : www.bacfilms.com/distribution/film/mademoiselle