Prisonniers de guerre en temps de paix
Prisonniers de guerre en temps de paix
Par Alain Constant
Le film de Philippe Tourancheau éclaire sur les conditions de captivité réservées aux soldats allemands après avril 1944 (mardi 10 mai à 22 h 25 sur France 2).
Des prisonniers de guerre allemands vont servir de main-d'œuvre dans une France à reconstruire. Photo prise en 1946. | © GPA
Le film de Philippe Tourancheau éclaire sur les conditions de captivité réservées aux soldats allemands après avril 1944.
C’est une histoire peu glorieuse, longtemps passée sous silence des deux côtés du Rhin. Celle du sort réservé aux prisonniers de guerre allemands internés en France à partir du mois d’avril 1944. Ce passionnant documentaire basé sur les travaux de l’historien Fabien Théofilakis, auteur de l’essai Les Prisonniers de guerre allemands. France, 1944-1949 (Fayard, 2014), propose des images d’archives inédites et des témoignages d’anciens « PG » (prisonniers de guerre) qui racontent, en français ou en allemand, leur captivité.
L’intérêt de ces témoignages vient aussi de la diversité des profils : un déserteur âgé de 17 ans à l’époque, un Waffen SS de 22 ans, un gamin de 16 ans enrôlé dans les dernières semaines de combat. Dans une France qui souffre encore de la faim, nourrir les prisonniers allemands n’est pas vraiment une priorité. Humiliations et mauvais traitements sont souvent au menu pour des soldats détestés par la population locale. D’abord parqués dans l’un des vingt-trois camps de fortune installés le long du Rhin puis dans une centaine d’endroits réquisitionnés (casernes, écoles, halls d’usine), les vaincus vont connaître une captivité éprouvante.
Obligés de déminer les plages
Le pays étant à reconstruire et manquant de main-d’œuvre, les responsables politiques réclament 1 700 000 prisonniers. Les autorités américaines et britanniques accepteront de céder 525 000 hommes. Dès 1946, certains soldats allemands tentent de passer du statut de « PG » à celui plus enviable de « PW » (prisoner of war), autrement dit de passer d’un camp dirigé par les Français à un camp placé sous autorité américaine. Quelques mois après la fin officielle du conflit mondial, le Comité international de la Croix-Rouge clame son indignation devant le sort réservé aux prisonniers obligés de déminer sans aucune protection les plages françaises, où beaucoup perdront la vie.
Un prisonnier de guerre allemand en France témoigne. Capture d'écran. | DR
En avril 1947, les autorités françaises accepteront enfin, à la demande des Soviétiques et des Britanniques, de libérer progressivement leurs prisonniers. Mais le retour au pays sera échelonné sur vingt mois. En attendant, l’hostilité s’est estompée, et beaucoup de prisonniers envoyés dans les campagnes françaises noueront des liens d’amour ou d’amitié avec la population locale. On estime à environ 30 000 le nombre de soldats allemands qui ont choisi de rester définitivement en France.
Quand les Allemands reconstruisaient la France, de Philippe Tourancheau (France, 2016, 52 min). Le mardi 10 mai à 22 h 25 sur France 2. Rediffusion le dimanche 15 mai à 4 h 35.