Sur les quais du port de Dalian, dans le nord-est de la Chine. | AFP / AFP

Depuis la première bulle sur les bulbes de tulipe, qui a ruiné quelques investisseurs hollandais au milieu du XVIIsiècle, on sait que la spéculation se moque du support sur lequel elle se fixe : or, diamants, valeurs Internet, certificats de dette, tout est bon pour tenter fortune. En ce début d’année, les financiers chinois ont choisi le fer à béton. Ce n’est pas le plus sexy des matériaux, mais ces longues barres d’acier brut sont essentielles dans toute construction, puisqu’elles constituent l’ossature des maisons et immeubles en béton armé.

Flairant une reprise du marché après deux années de crise, les investisseurs ont profité des prix au plancher du minerai de fer et de ses dérivés pour miser gros sur le marché des matières premières du port de Dalian au nord-est de la Chine. A son pic, le 21 avril 2016, les échanges sur les contrats d’achat de fer à béton ont dépassé le total des transactions sur les deux premières Bourses du pays, Shanghaï et Shenzhen. Signe qui ne trompe pas, 70 % de ces opérations étaient de purs échanges financiers, sans lien avec la demande des producteurs et des consommateurs. Le cours du contrat de minerai de fer a bondi de 43 % depuis le début de cette année.

Désescalade

Retour à la réalité. Depuis le 21 avril, les prix ont chuté de 22 % et ont décroché ce lundi entre 6 % et 9 %, selon les contrats. Le déclencheur de la baisse a été l’annonce par les autorités de Dalian de mesures visant à refroidir l’ardeur des spéculateurs, notamment l’alourdissement de la taxe sur les transactions. Et d’un coup, les investisseurs ouvrent les yeux et se rendent compte que la demande reste faible. Selon les douanes chinoises, les importations de minerai de fer ont chuté de 2,2 % en avril et celle de cuivre, lui aussi très utilisé dans le bâtiment, de 8 %. Du coup, les fers à béton s’accumulent sur les quais de Dalian ou de Qingdao, le port le plus actif dans ce domaine. Ils atteignent désormais les 100 millions de tonnes, le plus haut niveau depuis un an.

Dans le jargon financier, cette désescalade s’appelle l’« unwind », le débobinage après des mois de tensions. Hormis les investisseurs eux-mêmes, les premières victimes sont les producteurs de minerai, comme Vale, Rio Tinto ou Glencore dont le cours de Bourse est reparti violemment à la baisse. Le sidérurgiste ArcelorMittal, qui est aussi producteur de minerai de fer, a également dégusté avec une chute de son action de près de 12 % sur la seule journée du lundi.

Bien sûr, cette mini-bulle sur le fer chinois ne restera pas dans les annales. Les autorités ont su éteindre l’incendie à temps. Mais elle témoigne de l’incertitude qui pèse sur la santé économique chinoise et de l’appétit des financiers locaux à sauter sur tout ce qui peut ressembler à un début de reprise. D’ailleurs, ArcelorMittal et de nombreux analystes estiment que le marché, le vrai, devrait rebondir cette année. De quoi exciter à nouveau l’imagination des spéculateurs du fer à béton.