Ce qui se joue au Congrès des maires de France
Ce qui se joue au Congrès des maires de France
Par Manon Rescan
Les élus sont rassemblés à Paris, à partir de mardi, et recevront François Hollande, jeudi, sur fond de gronde contre les restrictions budgétaires imposées par l’Etat.
La maire de Paris Anne Hidalgo (à gauche), le président de l’association des maires de France et maire de Troyes Francois Baroin (deuxieme à gauche), le président francais Francois Hollande (au centre) et le vice-president de l’AMF et maire d’Issoudun Andre Laignel (deuxieme à droite) lors du rassemblement des maires de France, à Paris, le 18 novembre 2015. | STEPHANE DE SAKUTIN / AFP
« Asphyxiés » par les baisses des dotations que leur accorde l’Etat, les maires de France tiennent leur congrès à partir de mardi 31 mai. Pendant trois jours, plus de 10 000 d’entre eux seront réunis porte de Versailles à Paris, entre conférences, ateliers de partage d’expérience et salon commercial des collectivités.
Le rendez-vous annuel est aussi traditionnellement l’occasion de la confrontation des élus locaux avec le gouvernement. Cette année, le président de la République lui-même viendra clore ce qui sera le dernier congrès de son quinquennat. Une confrontation stratégique, après une succession de réformes touchant les élus locaux et deux ans d’efforts budgétaires difficilement acceptés.
La réforme territoriale est-elle digérée ?
« Je suis très surpris du changement d’ambiance par rapport à l’année dernière », confie Olivier Dussopt, président de l’association des petites villes de France (de 2 500 à 25 000 habitants), quelques jours après la tenue de ses propres assises. Le maire socialiste d’Annonay (Ardèche), qui fut rapporteur de la loi NOTRe sur la réforme territoriale à l’Assemblée, évoque un « débat plus apaisé » à présent que le redécoupage régional et la nouvelle répartition des intercommunalités sont sur les rails. C’est la seconde mesure qui a le plus touché les maires. La loi votée l’an dernier fixait un nouveau seuil minimum de 15 000 habitants pour les structures intercommunales, contraignant certaines à fusionner. Une réforme décidée seulement deux ans après l’achèvement de la précédente refonte, attisant les récriminations des élus.
Un sentiment d’« apaisement » que ne partage pas Caroline Cayeux, présidente de Villes de France, l’association des élus de villes et d’agglomérations de moins de 400 000 habitants. « Il y a des questions de personnes, de projets et de compétences à éclaircir », affirme la maire Les Républicains (LR) de Beauvais, à six mois de la naissance des nouvelles intercommunalités. « On aura besoin d’une deuxième année de lissage », ajoute-t-elle, réclamant l’« assouplissement du calendrier » d’une réforme faite, selon elle, « à marche forcée ».
Les plus petites communes, elles, vivent mal l’avènement de l’intercommunalité et les incitations à la fusion de communes. « On supprime des échelons de démocratie » se désole Michel Fournier, vice-président de l’association des maires ruraux de France (AMRF).
Les baisses de dotation vont-elles durer ?
Un geste de François Hollande est attendu jeudi, en clôture du congrès, concernant les efforts budgétaires demandés aux collectivités. Depuis 2014, les élus des communes, des régions et des départements protestent contre la baisse des dotations que leur verse l’Etat. Au total, leur enveloppe a été réduite de onze milliards d’euros entre 2015 et 2017.
Pour les communes seules, il est prévu en 2017 une réduction de 2,071 milliards d’euros de ces versements de l’Etat, soit une diminution de 4,7 % des transferts. Conséquence : une chute drastique des investissements publics locaux, avec un impact sur les économies et l’emploi.
Dans ce contexte, l’Association des maires de France (AMF), par l’intermédiaire de son président, François Baroin, maire LR de Troyes (Aube), a demandé au président de la République de « mettre un terme à la baisse des dotations de l’Etat ».
L’entourage du chef de l’Etat le dit conscient des efforts des collectivités, sans préciser ce qu’il pourrait annoncer. Olivier Dussopt espère, lui, « un effort ou un geste conséquent ». Même si celui-ci n’annule pas totalement l’effort qui reste à consentir ? « Ce sera déjà une étape », relativise Caroline Cayeux. « Cela nous permettra d’arriver à mi-mandat [les maires ayant été élus en 2014] avec moins d’anxiété », ajoute-t-elle.
Une opportunité politique
A la tribune, François Hollande mènera une toute autre bataille jeudi, en clôture du Congrès. « Les maires de France représentent un lobby très influent », rappelle Romain Pasquier, enseignant-chercheur à l’Institut d’études politiques de Rennes et spécialiste des collectivités territoriales. « Ils sont un relai non négligeable sur le terrain pour un éventuel futur candidat à l’élection présidentielle », note-t-il encore.
Michel Fournier de l’AMRF n’est pas dupe : il s’attend à ce que la « sucette élection » soitêtre brandie pour « calmer le jeu », doutant toutefois de l’impact réel de celle-ci dans l’opinion et dans ses comptes. Lui s’inquiète du « télescopage » des actualités et regrette que, face à un gouvernement malmené sur le front social dans le dossier de la loi travail, certains maires aient décidé, cette année de ne pas davantage « monter au créneau pour ne pas mettre de l’huile sur le feu » et éviter la « confusion » des revendications.