Des puces chinoises dans un lit américain
Des puces chinoises dans un lit américain
LE MONDE ECONOMIE
Le nouveau classement mondial des 500 ordinateurs les plus puissants du monde est dominé par les Chinois avec 167 machines contre 165 pour les Américains.
Chez les informaticiens, le « flops » ne traduit nullement l’échec d’une opération, mais sa vitesse. Plus précisément, le nombre de calculs effectué par un ordinateur en une seconde. La course aux flops jalonne donc l’histoire des ordinateurs, traduction de la montée en puissance de la machine face au cerveau humain, mais aussi d’un certain rapport de force géopolitique. Et, à ce petit jeu, les Chinois viennent de marquer un point hautement symbolique.
Longtemps, les Américains furent les champions du monde de cette discipline. Aujourd’hui, ils doivent en rabattre. Pour la première fois de l’histoire, dans le dernier classement mondial des 500 plus gros supercalculateurs, l’empire du Milieu place 167 machines contre 165 pour les Américains.
Maîtriser la conception et la fabrication de bout en bout
Et, plus spectaculaire encore, le champion du monde de 2016 est un ordinateur chinois dont le moteur – les microprocesseurs – est entièrement chinois, alors que ses prédécesseurs fonctionnaient encore avec des puces de l’américain Intel. En 2001, le pays était absent de tout classement mondial. La Chine entend non seulement s’équiper en ordinateurs géants, mais aussi en maîtriser la conception et la fabrication de bout en bout. Et, donc, produire ses propres puces. Fini le bête assemblage de smartphones Apple avec des composants américains, japonais ou taïwanais.
La Chine est une grande nation qui sait inventer ses propres puces électroniques, instruments de souveraineté, notamment en matière de défense et de sécurité, face à l’hégémonie américaine. A l’heure où les Allemands peinent à faire fabriquer des tee-shirts de footballeurs qui ne se déchirent pas, les Chinois, eux, dominent désormais le ciel informatique et, donc, le monde technologique.
Productions massives
Pour y parvenir, le pays a planifié sa montée en puissance. En invitant dans un premier temps les spécialistes américains, japonais, taïwanais ou coréens sur son territoire, puis en se passant progressivement de leur technologie pour imposer la sienne. La Chine n’est qu’à la moitié du chemin, mais le dernier plan quinquennal prévoit d’atteindre 100 milliards de dollars de revenu annuel (88 milliards d’euros) dans les semi-conducteurs d’ici à 2020, contre 17 milliards réalisés en 2015.
Il va donc se jouer la même partition que dans l’acier, les micro-ordinateurs ou les panneaux solaires. Des productions massives qui vont inonder le monde et déprimer durablement les prix. Car le marché des puces n’est plus en forte croissance, compte tenu de l’équipement en smartphone et ordinateur de la population mondiale. Selon les analystes du Gartner, il sera même en récession cette année 2016, comme il l’a été en 2015. Les fournisseurs de matériel et les consommateurs profiteront de cette guerre des prix. Les industriels des composants moins, et notamment le franco-italien STMicroelectronics, particulièrement fragile. Cette industrie est peut-être stratégique, mais elle est de moins en moins une bonne affaire.