Editorial : Orlando, une haine si particulière
Editorial : Orlando, une haine si particulière
Editorial. La tuerie d’Orlando n’est pas seulement le pire que les Etats-Unis aient connu depuis le 11 septembre 2001. C’est, semble-t-il, un crime de masse motivé par cette haine à connotation bien particulière : le racisme antihomosexuel.
Ariel, qui a échappé à la fusillade, dans les bras de son ami Ashley, à Orlando (Floride) le 12 juin. | Loren Elliott / AP
Editorial du « Monde ». Le lieu n’était pas neutre. La cible n’a pas été choisie par hasard. Ces gens n’ont pas été tués pour ce qu’ils faisaient, mais bien pour ce qu’ils étaient ou supposés être. Le président Barack Obama a parlé d’un crime dû à la « haine ». Et, à ce stade d’une enquête encore dans les préliminaires, il s’agirait d’une « haine » bien spécifique et ne relevant pas de la seule folie meutrière islamiste : les 50 jeunes filles et jeunes gens tués à Orlando, en Floride, dans la nuit du samedi 12 au dimanche 13 juin, leurs 53 camarades blessés, mutilés, traumatisés, se trouvaient dans une boîte de nuit, le Pulse, emblématique de la cause LGBT (lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres).
Ce n’est pas seulement un crime de masse, le pire que les Etats-Unis aient connu depuis les attentats du 11 septembre 2001. C’est, semble-t-il, un crime de masse motivé par cette haine à connotation bien particulière : le racisme antihomosexuel. Le Pulse, fondé par une famille italo-américaine dont un fils est mort du sida en 1991, est un club militant.
Etait-ce la seule « motivation » de l’auteur du massacre, qui habitait à deux heures de là, dans un environnement où les boîtes de nuit se comptent par dizaines ? Né aux Etats-Unis, de parents venus d’Afghanistan, Omar Mateen, 29 ans, a été tué dans un échange de tirs avec la police à l’intérieur du Pulse. Avant d’ouvrir le feu au fusil automatique sur les danseurs d’une soirée consacrée au rythme latino, Mateen a composé le numéro d’appel de la police, 911, et assuré qu’il prêtait allégeance à l’organisation dite Etat islamique (EI).
Le FBI l’avait entendu en 2013 et 2014, après qu’il eut tenu au travail des propos laissant supposer de possibles liens avec des terroristes islamistes. Rien qui n’ait empêché ce diplômé en droit de continuer à travailler pour une des sociétés de sécurité les plus réputées des Etats-Unis. Plusieurs heures après le massacre, l’EI, sur un site habituel, a salué l’action de ce « soldat du califat ». Mais, là encore, aucun élément, à ce stade, qui permette d’imaginer l’existence d’un réseau ou d’un contact organisé avec l’EI.
Ce qui n’est pas moins inquiétant, au contraire. L’action d’un « loup solitaire », passant à l’acte sur la seule base de ses convictions ou par mimétisme, est celle qui tétanise les services de sécurité : elle est la plus difficile à prévenir. Cela n’a pas empêché Donald Trump de réclamer la démission de Barack Obama – pour manque supposé de vigilance face à la menace islamiste aux Etats-Unis. Aujourd’hui candidat républicain à l’élection de novembre, Trump a connu, au début des primaires, un surcroît de popularité en préconisant d’interdire l’entrée des musulmans aux Etats-Unis. Il n’hésitera pas à exploiter les 50 morts d’Orlando.
Une fois de plus, pourtant, cette nouvelle fusillade, dans un pays où elles se comptent par centaines chaque année, posera la question des armes à feu. Le fait d’avoir été entendu par le FBI n’a pas empêché Mateen d’acheter légalement une arme de guerre à tir rapide. Trump veut en faciliter plus encore la vente sur tout le territoire du pays. Son adversaire démocrate, Hillary Clinton, veut l’interdire résolument. La question fait partie de la bataille de novembre. Le choix est politique. Comme l’a dit, dimanche, Barack Obama : « Il nous revient de décider quel genre de pays nous voulons être. »