Enquêtes, philosophie et histoires brèves : trois écrivains américains à découvrir ou redécouvrir
Enquêtes, philosophie et histoires brèves : trois écrivains américains à découvrir ou redécouvrir
Chaque jeudi dans La Matinale, la rédaction du « Monde des livres » vous concocte une liste d’ouvrages à découvrir.
Cette semaine, le Monde des livres vous conseille les oeuvres de trois écrivains américains : l’immense romancier James Crumley, qui fut l’ami de Jim Harrison, le philosophe Michael Sandel, dont l’essai Justice sort enfin en France, précédé d’un succès mondial, et Lydia Davis, connue pour ses recueils de nouvelles.
ROMAN. Fausse piste, de James Crumley
Fausse piste constitue une excellente entrée en matière pour (re) découvrir cet immense écrivain qu’est James Crumley (1939-2008). Paru en 1975, dans une Amérique défaite au Vietnam, Fausse piste met en scène la première enquête de Milo Milogradovitch (il y en aura trois autres, dont le superbe La Danse de l’ours), un privé alcoolique qui accepte d’aider une ravissante demoiselle à retrouver son petit frère disparu… Avec son ami Jim Harrison (1937-2016), James Crumley, romancier de la chute, partageait le goût des excès et la même poésie pour parler de cette autre Amérique, celle des villes moyennes paumées, des ivrognes et des marginaux. A travers la quête de son détective, Crumley ausculte son pays à hauteur de zinc et s’offre quelques échappées qui font entendre le clapotis d’un ruisseau ou sentir la douceur d’une étreinte. Guillaume Fraissard
Gallmeister
Fausse piste (The Wrong Case), de James Crumley, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Jacques Mailhos, Gallmeister, 400 p., 23,50 €.
ESSAI. Justice, de Michael J. Sandel
Justice arrive finalement en France après un succès mondial. Paru dans sa version originale en 2009, il condense trente ans d’enseignement de philosophie – trente années au cours desquelles l’économie est devenue la discipline la plus influente des campus américains, au détriment des lettres et des sciences humaines, qui ont perdu de leur prestige. Contre ce mouvement de cloisonnement, mais sans le nommer directement, Michael Sandel cherche à renouer le dialogue et propose un dépassement des valeurs utilitaristes promues par l’économie. L’érudit, qui n’apprendra rien à la lecture de ce livre, appréciera autant que le néophyte la réflexion qu’il contient sur ce que peut la philosophie politique pour le débat public. Selon Michael Sandel, si elle n’est pas en mesure de mettre fin au désaccord, elle aide « à clarifier les enjeux moraux attachés aux alternatives auxquelles nous sommes confrontés en tant que citoyens de sociétés démocratiques ». Marc-Olivier Bherer
Albin Michel
Justice (Justice : What’s the Right Thing to Do ?), de Michael J. Sandel, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Patrick Savidan, Albin Michel, 416 p., 21,50 €.
MISCELLANEES. Histoire réversible, de Lydia Davis
Cent trente textes environ composent ce recueil – certains n’excèdent pas trois lignes. Le matériau en est extrêmement hétéroclite : courtes nouvelles, pages autobiographiques, éclats de prose, fragments poétiques… Ainsi voit-on la belle tête pensante de Lydia Davis sous chacun de ses profils et même son ingénieux cerveau. Elle réagit en écrivain à chaque situation de la vie. Son livre fourre-tout, construit selon cette logique, obéit finalement à un principe moins arbitraire que celui du roman. Tout est lié par son style légèrement ironique. Sa phrase sensible ne se laisse pas abuser par les postures humaines, elle ne les décrit pas froidement comme des statues, elle explore les coulisses de notre petit théâtre public ou intime. Eric Chevillard
Christian Bourgois
Histoire réversible (Can’t and Won’t. Stories), de Lydia Davis, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Anne Rabinovitch, Christian Bourgois, 344 p., 24 €.