Jimmy Buchan, pêcheur : « Des technocrates non élus décident à notre place » #BrexitOrNot
Jimmy Buchan, pêcheur : « Des technocrates non élus décident à notre place » #BrexitOrNot
Par Jean-Baptiste Chastand (Peterhead, envoyé spécial)
A deux jours du référendum sur la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne, « Le Monde » publie les portraits d’électeurs britanniques pour ou contre le « Brexit ».
Jimmy Buchan à Peterhead, en 2012 | DUNCAN BROWN / DUNCAN BROWN PHOTOGRAPHY
Sur le port de Peterhead, c’est une star. Le pêcheur de chalut Jimmy Buchan est connu de tous pour avoir été le principal personnage d’une série documentaire de la BBC sur la pêche écossaise, diffusée entre 2006 et 2010. Le truculent personnage aux expressions fleuries reçoit dans son petit bureau du port pour expliquer pourquoi il a mis sa notoriété au service de la campagne pour la sortie de l’Union européenne lors du référendum du 23 juin.
« Je suis allé plusieurs fois au Parlement européen pour comprendre comment se passent les négociations autour des quotas, et franchement ça fait peur », râle celui qui commande un navire de 21 mètres, assis derrière son Mac dernier cri. Ce militant du Parti conservateur a accroché à son bateau le drapeau de la campagne de l’industrie de la pêche pour le « Brexit », représentant un poisson avec dans ses « mains » un étendard britannique, et protégé par un bouclier aux mêmes couleurs. « Sauvez le poisson britannique », proclame le drapeau. « Je suis très énervé. On a un deal de merde, décidé par des technocrates non élus », dénonce Jimmy, en accusant les pêcheurs du reste de l’Europe – notamment français et espagnols – d’avoir accès trop facilement aux eaux écossaises.
« Tout ce qui s’est passé ici est
une conséquence des quotas »
Avec son emphase, le pêcheur mélange un peu tout : les quotas sont décidés par les ministres de chaque pays, après avis de la Commission, et non par le Parlement ou les seuls technocrates. Mais peu importe : l’homme dont le grand-père était déjà pêcheur à Peterhead a vu les trois quarts des bateaux disparaître en vingt-cinq ans. Le secteur n’emploie plus qu’environ 5 000 personnes, en comptant le mareyage. Les rues de Peterhead portent les stigmates de cette crise avec de nombreux commerces fermés et des immeubles murés près du port. « Tout ce qui s’est passé ici est une conséquence directe de ces quotas, les bureaucrates qui prennent ces décisions, est ce qu’ils s’intéressent à notre communauté ? »
Pour lui, une sortie de l’UE permettrait à la pêche écossaise de redémarrer. « Si on sort de l’Union européenne, on devra toujours négocier » avec les pays voisins, convient-il, « mais on aura une main beaucoup plus forte à la table ». A 55 ans, M. Buchan passe désormais plus de temps à monter un site de vente en ligne de poisson que sur son bateau, où il emploie des marins philippins, la main-d’œuvre locale se trouvant happée par la lucrative industrie pétrolière. Mais il est persuadé que les consommateurs européens continueront quoi qu’il arrive d’acheter du poisson écossais. Et qu’on ne vienne pas lui parler des dangers pour les stocks en cas de disparition d’une gestion européenne : « On a appris du passé », promet-il.