Depuis les Templiers, au XIIe siècle, on sait que le métier de banquier n’est pas de tout repos. Et que, quand la vindicte populaire enfle, la déchéance approche. Scandales en tout genre, conjoncture exceptionnellement mauvaise, avalanche de réglementations, ruptures technologiques : les mauvaises fées semblent s’être toutes penchées, d’un coup, sur ce métier autrefois si respecté.

Le procès au civil de Jérôme Kerviel s’est ouvert, mercredi 15 juin, devant la cour d’appel de Versailles. Devant les juges se déroule de nouveau le mauvais scénario de janvier 2008, lorsque la Société générale avait dévoilé la plus grande fraude de son histoire. Huit ans après les faits, et en dépit d’une première condamnation du trader, la banque doit toujours plaider son ignorance des agissements de son employé. Un film, tiré du livre de Jérôme Kerviel et réalisé par Christophe Barratier, intitulé L’Outsider, sort en salles, mercredi 22 juin. Il ne contribuera pas à redorer le blason de la banque française.

« C’est inacceptable et immoral »

Alors Frédéric Oudéa, son PDG, a pris sa plume pour écrire à ses 150 000 employés.

« Nous avons payé cher cette fraude et continuons à la payer encore aujourd’hui, reconnaît-il, mais inverser les valeurs, comme le font certains, oublier l’impact sur nos salariés, nos clients et nos actionnaires, c’est inacceptable et immoral. »

Si le discours rassure peut-être certains employés, resserrés autour de la campagne #Becausewelovesg, il ne suffira pas à éteindre l’incendie. Le mois précédent, le même patron de la Société générale a évité de peu une procédure pénale au sujet de ses déclarations devant le Sénat, en 2012, sur les paradis fiscaux. Un désengagement promis… et démenti par les révélations des « Panama papers ».

Restructurations drastiques

Et puis il y a la facture de la crise de 2008, que la profession n’a pas fini de payer. Mardi 14 juin, le même M. Oudéa écrivait cette fois au futur président slovaque de l’Union européenne pour l’alerter sur le risque de nouvelles régulations bancaires, qui alourdiraient encore le montant des fonds propres demandés aux banques. Ces exigences, combinées à la conjoncture exceptionnelle de taux bas voire négatifs, sont en train de saper la rentabilité des établissements. D’autant que la révolution numérique va conduire à des restructurations drastiques de réseaux d’agences désormais surdimensionnées.

Le résultat de tout cela se lit, d’un côté, dans le malaise des salariés, qui craignent pour leur emploi et sont confrontés à la dégradation rapide de l’image de la profession auprès des clients, et, de l’autre, dans la redéfinition du paysage financier mondial. Les banques américaines de marché, pourtant au cœur de la crise de 2008, s’imposent partout dans le monde, tandis que les grands fonds d’investissement prennent la place des établissements bancaires au cœur du système. Le plus grand d’entre eux, BlackRock, est désormais une superpuissance planétaire. Les Templiers sont sur le bûcher.