Magie noire et superstitions ouvrent de nouvelles routes au trafic d’espèces en Afrique
Magie noire et superstitions ouvrent de nouvelles routes au trafic d’espèces en Afrique
Par Laurence Caramel
Anes et girafes sont devenus les nouvelles cibles des braconniers. L’un pour ses prétendues vertus anti-vieillissement, l’autre pour son « pouvoir » de guérison du sida.
Ils n’ont pas la notoriété des icônes de la savane et ne figurent pas sur les listes internationales des espèces sauvages menacées d’extinction : les ânes africains sont néanmoins devenus en l’espace de quelques mois l’objet d’un nouveau trafic à destination de la Chine. Leur tort ? Posséder une peau qui, selon la rumeur, contiendrait une gélatine aux vertus anti-vieillissement. Fin février, à Molepole, au Botswana, la police a saisi 1 200 peaux dans un entrepôt et arrêté plusieurs personnes travaillant pour une société d’exportation chinoise, installée en Afrique du sud.
Quelques semaines auparavant, un réseau avait également été identifié au Burkina Faso. Dans ce pays, « les vols d’ânes se multiplient au point de contraindre les habitants à construire des enclos », rapporte le correspondant du journal Le Pays en s’interrogeant sur ce boom de la peau d’âne dont le prix varierait entre 27 et 61 dollars l’unité.
En Afrique, les rumeurs et les superstitions sont parmi les pires ennemis de la faune. Or, selon l’inventaire minutieux réalisé par Robin des bois, celles-ci se multiplient. Depuis trois ans, l’association de défense de l’environnement publie A la trace, un bulletin trimestriel dans lequel elle restitue le fruit d’une veille quotidienne des saisies douanières d’espèces sauvages à travers le monde et une revue de presse des journaux locaux.
Moelle épinière de girafe
Comme l’âne et après le rhinocéros ou le pangolin, la girafe émerge comme une nouvelle victime de ce commerce construit sur des croyances. « Le braconnage et l’influence de la médecine traditionnelle sont stimulés par des stratèges du marketing qui font naître des rumeurs comme celle de la moelle épinière de girafe susceptible de prévenir ou de guérir le sida », explique Jacky Bonnemains, le fondateur de Robin des bois. « Le braconnage de la girafe jusqu’alors financé par les filières de la décoration et de la viande de brousse trouve grâce à cette rumeur une troisième voie de rentabilité. Un kilo d’os de girafe se vend entre 120 et 150 dollars. Les populations de girafe diminuent dangereusement. Elles seraient moins de 80 000 sur tout le continent et certaines sous-populations de l’Afrique de l’Est sont sur la voie de la disparition. »
Dans le parc national de la Garamba, en République démocratique du Congo, il ne resterait plus que 38 girafes contre 350 il y a vingt ans. Le commerce reste dans ce cas interne au continent où 26 millions de personnes sont affectées par le VIH.
Flux financiers
« Au terme de trois ans de veille, notre bilan montre qu’aujourd’hui les activités de braconnage sont soutenues par deux flux financiers. Le premier concerne les matières à haute valeur ajoutée comme les cornes de rhinocéros, les défenses d’éléphant, les peaux de félin et les écailles de pangolin qui sont exportées ; le deuxième concerne les sous-produits du braconnage comme les organes, les œufs, les os qui restent sur le marché africain et alimentent le marché de la médecine traditionnelle », poursuit Jacky Bonnemains.
La farine d’os de chimpanzé aurait ainsi la faculté de « renforcer la virilité et de consolider une croissance » et les os broyés de la main droite de gorille mélangés à des graines de maniguette renforceraient la santé des bébés. La tête et le cerveau des vautours sont prescrits pour guérir les migraines et l’épilepsie… L’engouement pour ces remèdes accroît la pression sur toutes ces espèces. Au Nigeria par exemple, sur 51 espèces animales utilisées dans la pharmacopée, 21 sont inscrites sur les listes de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES).