Nicolas Coeurdacier. | DR

Vos travaux portent sur la mondialisation financière. En quoi ont-ils renouvelé un domaine déjà très balisé par la recherche ?

Selon la théorie classique, les capitaux vont des régions du monde où la croissance est la moins forte vers celles où elle est la plus forte. Or, depuis vingt ans, le phénomène s’est inversé : les capitaux vont des pays émergents vers les pays développés. L’une des explications est qu’il n’y a pas de marchés financiers suffisamment organisés dans les pays émergents.

Les actifs les plus sûrs restent dans les pays développés, alors que l’épargne est dans les pays émergents. Dans les années 1980, Américains et Chinois épargnaient la même part de leurs revenus, 10 %. En 2008, juste avant la crise, cette part est tombée quasiment à zéro aux Etats-Unis, elle est montée à 30 % en Chine ! Le déversement de ces surplus d’épargne dans les pays développés fait baisser les taux d’intérêt, incite Etats et ménages à s’endetter et rend les politiques monétaires des banques centrales moins efficaces…

Pourquoi les pays émergents dégagent-ils un tel excédent d’épargne ?

Au-delà du faible accès au crédit, leur rapide transition démographique liée au développement économique (baisse de la fertilité et allongement de la vie) incite à épargner plus. C’est le cas de l’Asie du Sud-Est mais aussi de pays du Moyen-Orient, et bientôt de l’Inde. Aujourd’hui, environ un tiers des 450 milliards de dollars du déficit externe américain (public et privé) est financé par les pays émergents d’Asie, un tiers par les pays pétroliers, le reste par des pays développés vieillissants, l’Allemagne et le Japon.

Ce phénomène a été plus violent et massif en Chine en raison de la politique de l’enfant unique lancée en 1979. Traditionnellement, les enfants faisaient office d’assurance ; devenus actifs, ils entretenaient leurs vieux parents. Désormais, les ménages, faute de sécurité sociale, doivent épargner pour leur retraite.

L’épargne s’est ainsi accumulée dans les banques et, ne trouvant pas à s’investir dans le pays, est placée à l’étranger par la banque centrale et les fonds souverains chinois. Certes, l’Etat chinois essaie de généraliser les assurances sociales, mais seulement la moitié de la population urbaine est couverte ; il a rompu en 2015 avec la politique de l’enfant unique mais les effets ne se feront sentir qu’à terme.

Pourquoi vous êtes-vous intéressé à ces sujets ?

Dès le lycée, j’étais tiraillé entre les maths, que j’adorais, et l’histoire ou la philo. J’ai opté pour les maths, mais j’éprouvais une certaine frustration due à l’absence du « réel ». A l’Ecole polytechnique, j’ai suivi les cours d’économie de Daniel Cohen et j’ai trouvé que c’était un compromis parfait.

L’Ecole d’économie de Paris offrait une ouverture sur la macroéconomie, et la mondialisation financière était un phénomène nouveau ; Hélène Rey m’a permis de trouver un poste à la London Business School, puis je suis revenu en France pour enseigner à Sciences Po, dans une ambiance plus universitaire qu’en école de gestion.