Face à un gouvernement qui « choisit de bomber le torse, montrer les muscles », Philippe Martinez ne cède pas un pouce de terrain. Lundi 23 mai, sur RTL, le secrétaire général de la CGT a assuré que les mobilisations contre la loi El Khomri « vont continuer, s’amplifier ». Une huitième journée nationale de grèves et de manifestations est prévue jeudi 26 mai, une grève interprofessionnelle avec une manifestation nationale à Paris le 14 juin. Six des huit raffineries françaises sont affectées par des blocages. Mercredi et jeudi, les cheminots cégétistes sont appelés à cesser de nouveau le travail.

Des ports sont perturbés. Les routiers sont toujours mobilisés, même si après les garanties apportées par le gouvernement sur le paiement des heures supplémentaires, le mouvement est en perte de vitesse. A la RATP, la CGT a appelé à une grève illimitée à partir du 2 juin. Philippe Martinez apparaît ainsi comme le commandant en chef de la contestation. Mieux, il s’impose en chef de l’opposition de gauche. Et après un congrès difficile, il y a un mois à Marseille, il se relégitime.

Parmi les sept organisations qui mènent la fronde contre le projet de loi El Khomri – CGT, FO, FSU, Solidaires, UNEF, UNL, FIDL –, Philippe Martinez a incontestablement pris le leadership. Il est le chef, avec comme lieutenant Jean-Claude Mailly, le secrétaire général de FO. Le syndicat de M. Mailly n’a pas les moyens de déployer une offensive de grande ampleur, et n’a pas rompu les contacts avec le gouvernement, ce qui semble montrer qu’il cherche une porte de sortie.

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Le leader de la CGT sait que sa seule chance, même si elle est mince, d’obliger le gouvernement à retirer sa loi travail ne viendra pas des journées d’action à répétition mais de blocages bien ciblés de l’activité économique. S’il n’appelle pas à la grève générale, à laquelle il ne croit pas, il prône des grèves reconductibles en espérant qu’elles vont gagner peu à peu des entreprises du secteur privé qui, pour l’heure, sont largement à l’écart.

« Si on ne se bat pas, on est sûr de perdre »

Parallèlement, Philippe Martinez politise son discours. Alors que la gauche de la gauche est en miettes, il se place dans la posture de chef de l’opposition de gauche à François Hollande et Manuel Valls et mise visiblement sur une défaite de la gauche en 2017. « Hollande et Valls utilisent les mêmes méthodes que M. Sarkozy en 2010, a-t-il déclaré samedi à Wizernes (Nord). Face à la lutte des salariés, ils envoient les forces de l’ordre pour casser les grèves. »

Dans L’Humanité du 12 mai, il s’en était pris au chef de l’Etat : « Jamais le candidat Hollande n’a évoqué la casse du code du travail dans son programme. C’est déjà un véritable déni de démocratie de mettre en œuvre des réformes qui ne font pas partie d’un programme électoral approuvé par les électeurs de gauche. » Au congrès de Marseille de la CGT, où nombre de délégués parlaient d’un gouvernement « dit de gauche », Philippe Martinez avait mis le signe égal entre Nicolas Sarkozy et François Hollande : « Le gouvernement actuel, avait-il lancé, prolonge et amplifie ce que faisait celui de Nicolas Sarkozy. »

Philippe Martinez avait été (bien) réélu à Marseille sur une ligne radicale. En revanche, sur les documents d’orientations pour les trois années à venir, il avait obtenu les plus mauvais scores à un congrès cégétiste depuis la Libération. Avec le conflit sur la loi travail, il se relégitime et ressoude la CGT, dont les fédérations avaient de plus en plus tendance à s’autonomiser par rapport à la centrale. Il sait que pour cela il doit être « au plus près » de ses militants. C’est ainsi que, samedi 21 mai, il a rendu visite à ses camarades qui bloquaient le dépôt pétrolier de Total à Haulchin (Nord). Il a vu dans les concessions faites aux routiers sur les heures supplémentaires la preuve qu’il faut « généraliser le mouvement à la métallurgie, au commerce… On ira jusqu’au retrait de la loi. Quand on se bat, on peut gagner, mais si on ne se bat pas, on est sûr de perdre ».

La partie est loin d’être gagnée – en 2010 face à un mouvement de contestation plus puissant, et dans l’unité de tous les syndicats, Nicolas Sarkozy n’avait pas reculé sur la réforme des retraites – et la CGT joue gros. Mais, quelle que soit l’issue, Philippe Martinez aura gagné ses galons de combattant.