Rénovation énergétique : des freins encore nombreux à lever
Rénovation énergétique : des freins encore nombreux à lever
Par Laetitia Van Eeckhout
Selon une étude publiée ce lundi 6 juin par l’Ademe, le chantier de l’amélioration de la performance énergétique se développe, mais encore insuffisamment pour atteindre l’objectif de mettre aux normes 500 000 logements par an.
Des appartements en construction à Clichy-sous-Bois, dans la banlieue parisienne, en mai 2014. | ALAIN JOCARD / AFP
Doucement, mais sûrement, le chantier de la rénovation énergétique se développe en France. Pour autant, le pari d’atteindre l’objectif fixé en 2012 par François Hollande de mettre aux normes 500 000 logements par an d’ici à 2017 (380 000 logements privés et 120 000 logements sociaux) n’est pas gagné.
Selon une enquête TNS-Sofres pour l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), publiée lundi 6 juin, 288 000 rénovations énergétiques performantes ont été réalisées dans le secteur privé en 2014. S’ajoutent à cela quelque 100 000 rénovations de logements sociaux, et même 105 000, selon les derniers chiffres 2015 de l’Union sociale pour l’habitat.
Si les bailleurs sociaux ont pris le pli de la rénovation énergétique, dans le secteur privé, profiter de la rénovation de son habitat pour en améliorer la performance énergétique ne va pas encore de soi. Plus de 3,5 millions de rénovations de logement ont été achevées fin 2014, mais à peine 10 % intégraient une préoccupation énergétique. « Le temps des politiques n’est pas le temps de la rénovation énergétique, qui est un chantier de longue haleine. C’est aussi une question de culture », observe Gilles Aymoz, chef du service bâtiment de l’Ademe.
Les travaux de réaménagement intérieur ou d’entretien des façades ne sont que très rarement (17 %) accompagnés par de l’isolation thermique intérieure ou extérieure. Même pour les fenêtres, le choix de la performance énergétique ne prime que dans un cas sur trois. Les travaux plus lourds de toiture ou des combles engendrent néanmoins nettement plus fréquemment (47 %) des gestes performants.
Le coût, un frein important
Le coût reste, c’est certain, un frein important. Une rénovation énergétique performante est trois fois plus onéreuse qu’une simple rénovation (25 400 euros contre 8 300 euros en moyenne). Plus de la moitié des ménages ayant effectué une rénovation disent ne pas avoir les moyens d’envisager des travaux plus poussés de maîtrise de l’énergie. D’autant que les aides financières, pour 22 % d’entre eux, sont jugées insuffisantes.
Au-delà même des contraintes financières, une part non négligeable des ménages reste à convaincre de l’intérêt d’engager des travaux de maîtrise de l’énergie. Un quart doute du retour sur investissement d’un tel chantier.
De fait, les ménages restent livrés à eux-mêmes pour engager des travaux dans ce domaine. Selon l’enquête de l’Ademe, un foyer français sur cinq seulement a entendu parler des Points info service, ces services d’information et de conseil gratuits mis en place par l’Etat pour accompagner les particuliers à mieux maîtriser leur énergie. Et même parmi ceux ayant engagé des travaux pour améliorer la performance énergétique de leur logement, seuls 16 % se sont renseignés auprès de ces espaces.
« Sécuriser les ménages »
Or, « ce qui freine les ménages, c’est souvent moins un blocage financier qu’une difficulté à comprendre la complexité de l’environnement technique et fiscale de la rénovation énergétique », observe Tifenn Quiguer, vice-président en charge de l’habitat de Brest Métropole. Une agglomération qui a mis en place un guichet accompagnant de bout en bout les propriétaires dans leur projet : du bilan énergétique assuré par des diagnostiqueurs référencés à la réalisation des travaux, en passant par l’étude des possibilités de subventions, le dépôt des dossiers de demande et la mise en relation avec des professionnels certifiés RGE (Reconnu Grenelle de l’environnement).
« Le fait d’avoir un dispositif d’accompagnement, phase par phase, du projet sécurise les ménages et les amène à réfléchir de façon globale », témoigne l’élu.
L’enquête de l’Ademe le confirme d’ailleurs. Quand les logements rénovés ont fait l’objet d’un diagnostic de performance énergétique, cela a eu un effet incitatif : 70 % des ménages ayant bénéficié d’un tel diagnostic pour leur habitation ont suivi les recommandations indiquées.
Si de plus en plus de professionnels sont labélisés RGE, rares sont ceux qui, au-delà même de leur spécialisation, prodiguent un conseil global sur le logement, quitte à travailler en coordination avec les autres corps de métier. Certes, la moitié des ménages estiment que l’artisan ou l’entreprise prestataire a bien géré le chantier et eu un rôle de conseil efficace pour les travaux réalisés. Mais seul un sur six dit avoir été aidé à mieux évaluer la performance énergétique de son logement.
Banques peu allantes
Les dispositifs incitatifs mis en place par l’Etat peinent encore à insuffler une dynamique durable de la rénovation énergétique. Seuls 28 % des foyers ayant engagé une rénovation énergétique performante ont bénéficié du CITE (Crédit transition énergétique), « alors qu’en théorie, ils réunissaient les conditions d’éligibilité », souligne l’Ademe. Cette aide peut pourtant permettre de réduire l’impact des travaux sur le budget. Pour un quart des ménages en ayant bénéficié, il a été un élément déclencheur du projet de rénovation.
« Le CITE conforte le choix de se lancer dans des travaux, plus qu’il n’emporte la décision », relève Sébastien Jérome, délégué du Finistère de l’association SoliHa (Solidaire pour l’habitat), qui regrette que cet avantage fiscal soit accordé quelle que soit la teneur des travaux de rénovation. Dans une étude publiée en octobre 2015, l’association UFC-Que choisir déplorait elle-même que cette mesure fiscale n’incite pas à aller vers les travaux les plus efficaces.
Ce faisant, les banques, elles-mêmes, se montrent toujours peu allantes pour soutenir ce chantier de la rénovation énergétique. Alors que 41 % des ménages ayant réalisé une rénovation performante ont eu recours à un emprunt, 11 % d’entre eux seulement ont contracté un éco-prêt à taux zéro (eco-PTZ). « Ce recours pourrait être plus systématique, puisque ces ménages remplissent a priori les conditions d’éligibilité à ce type de prêt », note elle-même l’Ademe.
« Aujourd’hui, les dispositifs existent. Il reste à installer la confiance. Nous sommes cependant sur un chantier de dix, vingt, trente ans, qui ne doit pas être lié aux alternances politiques, insiste Bruno Léchevin, président de l’Ademe. Ce chantier est gagnant pour l’économie. Si tous les travaux de rénovation tendaient vers la performance énergétique, c’est un chiffre d’affaires de 7 milliards d’euros qu’ils pourraient générer. »