Pour la première fois en seize ans, aucun match ne fut joué à Roland-Garros lundi 30 mai. | MARTIN BUREAU / AFP

Guy Forget n’est pas prêt d’oublier sa première année dans son nouveau costume de directeur de Roland-Garros. Des forfaits de poids, des abandons surprise, une météo capricieuse, une coupure d’images, des polémiques sur le toit et le remboursement des billets... L’édition 2016 de Roland-Garros aura été placée sous le signe de la malédiction.

  • Un petit pari qui coûte (très) cher

Le tournoi a connu sa première controverse avant même le début des premiers échanges. A la veille du tirage au sort, jeudi 19 mai, le Français Constant Lestienne, 206e au classement ATP, se voit retirer par la Fédération française de tennis (FFT) l’invitation qu’elle lui avait accordée pour le tableau principal du Grand Chelem. Son tort ? Avoir parié sur la finale Djokovic-Wawrinka en 2015, alors qu’il avait disputé les qualifications du tournoi lors de cette même édition.

Le joueur de 24 ans fait l’objet d’une enquête de la Tennis Integrity Unit, l’instance chargée de lutter contre la corruption, la charte signée par l’ensemble des joueurs et personnes accréditées au tournoi stipulant qu’il est strictement interdit de prendre part à des paris.

Une « sanction disproportionnée », juge Lestienne, effondré, qui indique avoir misé… 2,90 euros. Soit 10 000 fois moins que la somme qu’il était assuré d’empocher (les éliminés du premier tour repartant avec un chèque de 30 000 euros).

  • Des absences remarquées

Pour la première fois depuis 1999, Roger Federer est contraint de déclarer forfait à un tournoi du Grand Chelem, pour cause de dos en compote. Après 65 participations consécutives, le Suisse est le premier grand absent porte d’Auteuil. « Ça n’a pas été une décision facile à prendre, explique Federer sur son compte Facebook, mais je l’ai prise pour être sûr de pouvoir jouer le reste de la saison, et faire en sorte que ma carrière puisse durer. Je suis désolé pour mes fans à Paris, et j’ai hâte de revenir à Roland-Garros en 2017. »

Son annonce, à la veille du tirage au sort, est suivie par celle, le lendemain matin, d’un autre chouchou du public parisien : Gaël Monfils. Motif ? Infection virale. Le 14e mondial est « affaibli et hospitalisé », selon son agent. Demi-finaliste à Paris en 2008, et trois fois quart-de-finaliste (2009, 2011, 2014), « La Monf’» représentait, comme chaque année, l’une des meilleures chances françaises de la quinzaine.

A Roland-Garros, le 3 juin. | Christophe Ena / AP

  • Des abandons surprise

L’hécatombe se poursuit pendant le tournoi avec l’abandon surprise de Rafael Nadal, vendredi 27 mai en milieu d’après-midi, après deux matchs expéditifs au cours desquels le numéro 5 mondial n’a jamais laissé transparaître la moindre gêne. A la veille de disputer son troisième tour, le nonuple vainqueur annonce souffrir du poignet gauche lors d’une conférence de presse improvisée qui provoque une onde de choc dans les allées du tournoi. La « pire de [sa] carrière », dira l’Espagnol. « Ce matin, j’espérais encore gagner le tournoi, mais il me reste cinq matchs pour y parvenir, et le médecin m’a dit que c’était impossible, qu’il y avait 100 % de chances que je me casse le poignet », résume Nadal, qui visait un dixième trophée.

Avec le forfait de la tête de série numéro 4, le tournoi perd l’une de ses têtes d’affiche. Le lendemain, c’est au tour de Jo-Wilfried Tsonga de se retirer du tournoi en raison de douleurs aux adducteurs. Alors qu’il menait dans le premier set face à Ernests Gulbis au troisième tour, le numéro un français, 7e mondial, quitte le central les larmes aux yeux.

  • Une météo calamiteuse et des polémiques

Lundi 30 mai fut une journée historique dans l’histoire du tournoi. Pour la première fois depuis seize ans, la pluie contraint les organisateurs à annuler l’ensemble des rencontres prévues ce jour-là, après une matinée de reports successifs. Une décision extrêmement rare, la précédente journée blanche remontant… au 30 mai 2000. Conséquence : comme le stipule le règlement, la Fédération française de tennis (FFT) est amenée à rembourser intégralement les billets des spectateurs. Le directeur du tournoi, Guy Forget, estime le manque à gagner à deux millions d’euros.

Les intempéries font ressurgir la polémique sur l’absence de toit à Roland-Garros, seul tournoi du Grand Chelem dont le central n’a pas de couverture électrique, alors que tous les autres en disposent désormais. « La classe politique est derrière nous, mais une minorité de personnes s’opposent au projet [les associations de riverains opposés à l’agrandissement] et bloquent l’avancée des travaux, dont le toit est la dernière pièce du puzzle. Mais on est convaincus que notre projet va aboutir, et on a bon espoir que tout soit terminé en 2020 », tente de convaincre Guy Forget.

Le lendemain, mardi 1er juin, c’est une nouvelle controverse liée aux intempéries qui ébranle la quinzaine. Cette fois, les averses sont plus rares et laissent les joueurs entrer sur les courts. Mais certains matchs ne peuvent aller à leur terme. Le huitième de finale opposant Novak Djokovic à Roberto Bautista-Agut sur le central est ainsi interrompu au bout de 2 h 01 de jeu. Soit le seuil à partir duquel aucun remboursement n’est prévu pour les spectateurs… Les billets sont en effet remboursés intégralement si le temps de jeu ne dépasse pas une heure et à hauteur de 50 % si la partie dure entre une et deux heures.

Certains spectateurs ont aussitôt pointé le cynisme des organisateurs, insinuant qu’ils avaient ainsi voulu éviter une deuxième journée blanche financièrement. Des accusations dont s’est défendue la direction du tournoi.

Des spectateurs remontés, et des joueurs obligés de disputer des matchs plusieurs jours d’affilée… Ce fut le cas des deux numéros un mondiaux, Serena Williams et Novak Djokovic. Après sa défaite, samedi 4 juin en finale face à Garbine Muguruza, l’Américaine n’a pas voulu se chercher d’excuses. Reste à savoir si le Serbe, qui affronte ce dimanche à 15 heures Andy Murray, sortira vainqueur d’une quinzaine maudite.