Vaste affaire de corruption au sein de la police new-yorkaise
Vaste affaire de corruption au sein de la police new-yorkaise
Par Stéphane Lauer (New York, correspondant)
Trois responsables du New York Police Department ont été arrêtés lundi. Ils sont accusés d’avoir profité des largesses d’un homme d’affaires de Brooklyn en échange de passe-droits.
Trois responsables du New York Police Department ont été arrêtés lundi. | SHANNON STAPLETON / REUTERS
La police de New York est éclaboussée par une affaire de corruption. Trois responsables du New York Police Department (NYPD) ont été arrêtés lundi 20 juin au petit matin à leur domicile. Ils sont accusés d’avoir profité des largesses de Jeremy Reichberg, un homme d’affaires de Brooklyn, en échange de passe-droits.
Ces arrestations ont lieu dans le cadre d’une enquête plus large sur le financement de la campagne électorale du maire de la ville, Bill de Blasio, en 2013. L’homme qui était au cœur du système, Jona Rechnitz, a plaidé coupable dans ce dossier et coopère avec la justice, faisant tomber les têtes les unes après les autres.
La générosité de M. Reichberg à l’égard de Michael Harrington, un chef adjoint de la police, de l’inspecteur adjoint James Grant et du sergent David Villanueva était censée acheter leur coopération pour détourner les forces de l’ordre à son profit personnel. L’homme d’affaires se servait ainsi de ses connexions au sein du NYPD pour accélérer les procédures pour obtenir un port d’arme, se faire escorter par des policiers pour ses déplacements, faire sauter ses contraventions ou encore faire appel à des policiers en uniforme pour résoudre ses contentieux personnels.
Service de police à la demande
Parmi les services les plus extravagants obtenus par M. Reichberg figurent dans l’acte d’accusation la neutralisation d’une voie de circulation dans le Lincoln Tunnel, l’une des principales liaisons entre le New Jersey et Manhattan, et la mobilisation d’une escorte de police pour accompagner une relation d’affaires en visite à New York. « Ils avaient effectivement une force de police privée pour eux-mêmes et leurs amis », a expliqué Preet Bharara, le procureur fédéral du district sud de New York, lors d’une conférence de presse.
Il s’agissait d’un véritable service de police à la demande, a insisté M. Bharara. Par exemple, M. Reichberg n’hésitait pas à mobiliser des agents pour faire le ménage autour de bijouteries gérées par ses associés lorsque les pratiques commerciales de la concurrence devenaient trop gênantes. Des distributeurs de prospectus et, une autre fois, des manifestants ont été dispersés à la demande de l’homme d’affaires.
En retour, les responsables de la police impliqués dans cette affaire ont bénéficié de cadeaux d’une valeur totale de 100 000 dollars au cours de la période allant de 2012 à 2015. Ainsi, en 2013, M. Grant, qui dirige le district de l’Upper East Side, et un autre policier se sont vu offrir un trajet en jet privé à Las Vegas pour assister au Super Bowl, la finale du championnat de football américain. Un voyage qu’ils ont effectué en compagnie d’une prostituée, pour un coût de 59 000 dollars. M. Harrington, lui, se serait régalé à la table des plus grands restaurants de New York pour des additions atteignant 400 à 500 dollars à un rythme d’une à deux fois par semaine.
Bijou et cadeaux
Encore plus folklorique : les corrupteurs jouaient les Pères Noël. M. Reichberg, accompagné d’un autre homme, s’était rendu le 25 décembre 2013 au domicile de M. Grant, un bonnet de lutin sur la tête, pour offrir une console de jeu vidéo à ses enfants et un bijou d’une valeur de 1 000 dollars à sa femme. Les enquêteurs ont d’ailleurs fini par coincer M. Grant l’année suivante, grâce à une écoute téléphonique dans laquelle il se plaignait que « les lutins » n’étaient pas passés cette année. Il regrettait également que M. Reichberg ne l’eût pas invité au Super Bowl comme l’année précédente.
« Cette affaire montre que si vous enfreignez la loi, vous serez traités de la même façon que vous soyez un simple agent ou un responsable de la police », a déclaré Bill Bratton, chef du NYPD. Me Susan Necheles, avocate de M. Reichberg, affirme qu’il n’a commis aucun crime. « Sa seule faute », c’est d’avoir fréquenté quelqu’un qui coopère avec la justice et qui « essaie désespérément de mettre les autres en difficulté pour s’attirer les faveurs des procureurs et sauver sa peau », ajoute-elle, faisant allusion à M. Rechnitz.
Le témoignage M. Rechnitz a déjà permis de contribuer à l’arrestation le 8 juin de Norman Seabrook, puissant dirigeant de la Correction Officer’s Benevolent Association (syndicat des personnels surveillants pénitentiaires) de New York. Il est accusé d’avoir accepté des cadeaux et de l’argent en contrepartie du placement de fonds appartenant au syndicat. Murray Huberfeld, le financier qui s’occupait de ces placements, a également été arrêté. Pour l’instant, aucune de ces affaires n’a mené au maire.