William Boyd : « Le style de F. Scott Fitzgerald est luxuriant, irrésistiblement romantique »
William Boyd : « Le style de F. Scott Fitzgerald est luxuriant, irrésistiblement romantique »
Par Florence Noiville
L’écrivain britannique évoque son coup de cœur pour « Winter Dreams », texte publié en version originale traduite dans la collection « Les nouvelles bilingues du “Monde” ».
Signature de F. Scott Fitzgerald. | WIKIMEDIA
Il y a la splendeur des années 1920 et la folie de l’âge du jazz. Il y a les délices du romantisme et l’ivresse de la fête, les vertiges du rêve américain et la nostalgie de la « génération perdue »… Pas étonnant que l’univers de F. Scott Fitzgerald – de son vrai nom Francis Scott Key Fitzgerald, né à Saint Paul dans le Minnesota en 1896 et mort à Hollywood en 1940 – puisse envoûter un adolescent.
C’est « à 14 ou 15 ans » que William Boyd a « rencontré » l’auteur de Gatsby le magnifique (1925). « Fitzgerald a été le premier écrivain “sérieux” avec lequel je me suis vraiment engagé, se souvient-il. Le premier que j’ai lu tout seul, spontanément et sans recommandation des professeurs. » C’est justement par les nouvelles, et non par les romans, que le jeune Boyd est entré dans cette œuvre.
« J’étais tombé sur un recueil de short stories parlant d’un garçon nommé Basil Duke Lee. Maintenant, je sais que ces récits étaient à demi autobiographiques et qu’ils mettaient en scène les ambitions mondaines d’un jeune homme à Saint Paul, où Fitzgerald avait grandi. Mais à l’époque, ce qui me frappait, c’était la manière dont l’auteur entrait dans la tête de ce Basil qui avait mon âge. Avec une précision, une justesse… »
Identification complète
Les pensées, les émotions, c’était exactement ça. Boyd dit qu’il pouvait, en quelque sorte, « vérifier l’authenticité de cette expérience adolescente en ce qu’elle collait parfaitement avec la [s]ienne ». Bref, un phénomène d’identification complète. De totale empathie. « Nous oublions à quel point l’empathie est une force décisive dans le choix des écrivains que nous aimons, ajoute-t-il. C’est elle qui guide nos premiers pas en littérature. »
Dans Winter Dreams (1922), l’écrivain britannique tant aimé des Français depuis Un Anglais sous les tropiques (1981) – et plus récemment Solo, une nouvelle aventure de James Bond (Seuil, 2014) et Les Vies multiples d’Amory Clay (Seuil, 2015) –, retrouve en Dexter Green, le protagoniste de l’histoire, quelque chose de Basil Duke Lee.
« Dexter pourrait être Basil sous un autre nom », dit-il : un garçon de la classe moyenne qui veut devenir riche ; un fils d’épicier éperdument amoureux de la sublime, coquette et narcissique jeune héritière, Judy Jones ; un homme qui se fait « jeter », comme on dirait aujourd’hui, et qui, pour surmonter son chagrin, s’enrôle dans la première guerre mondiale ; un businessman, enfin, devenu incroyablement riche, et qui, des années plus tard, va à nouveau entendre parler de Judy Jones…
Une esquisse de « Gatsby »
Le style, typique de Fitzgerald, est à la fois « luxuriant et nostalgique, irrésistiblement romantique », note Boyd. Mais surtout, écrite trois ans plus tôt, l’histoire préfigure étonnamment Gatsby. Comme une esquisse, un brouillon, « surtout dans le portrait de Judy Jones qui, par la fascination amoureuse qu’elle engendre, fait tant penser à la Daisy Buchanan de Gatsby ».
Les romanciers, comme tous les artistes, reviendraient-ils toujours à la même émotion première ? Bien sûr, convenait Fitzgerald : « Nous, les écrivains, avons deux ou trois airs que nous chanterons tant qu’il y aura des gens pour nous entendre. » Aux yeux de William Boyd, Winter Dreams, à cet égard, constitue « un classique de la chanson fitzgeraldienne ».
« Winter Dreams » de F. Scott Fitzgerald, vol. 10, en kiosques le 18 août.