Céline Dion donne neuf concerts parisiens empreints d’émotion endeuillée
La tournée de l’après-René
Par Stéphane Davet (Anvers (Belgique)
Cinq mois après les funérailles de son époux et mentor, René Angélil, Céline Dion prolonge en concert la mise en scène de son deuil.
Céline Dion sur la scène des Billboard Music Awards, le 22 mai 2016. | KEVIN WINTER / AFP
« Je voulais vous remercier pour tous vos mots, vos regards, vos sourires… », déclare Céline Dion, le 21 juin, au public du Sportpaleis d’Anvers. « Les enfants et moi, nous allons bien. » En réponse aux messages de condoléances, une veuve écrit en général des lettres. La chanteuse québécoise part, elle, en tournée. Cinq mois après les funérailles de son époux et mentor, René Angélil, dans la basilique de Montréal, filmées par douze caméras, Céline prolonge en concert la mise en scène de son deuil. Difficile de faire le tri entre les excès de la starification et une volonté revendiquée « de garder le contact avec le public » pour un dialogue sincère entre les fans et leur cousine de (la belle) province. Avant neuf concerts parisiens qui, du 24 juin au 9 juillet, feront le plein (113 500 billets vendus) à l’AccorHotels Arena, Céline Dion a tenu à rassurer la Belgique sur le moral de sa famille et sa forme artistique.
Plongée dans l’émotion endeuillée
Sur un écran s’écrit d’abord l’extrait d’une vieille chanson, Trois heures vingt, dit en même temps par la chanteuse encore cachée des regards : « Tout ira bien tu le sais/Puisqu’à la fin… où tu vas, je vais… » Avant qu’un nouveau titre – Encore un soir – poursuive cette plongée dans l’émotion endeuillée. Pour cette chanson, sortie en single avant un nouvel album annoncé pour fin août, Céline Dion a fait appel à Jean-Jacques Goldman, qui, à l’occasion de trois albums au succès vertigineux – D’eux (1995), S’il suffisait d’aimer (1997) et Une fille et quatre types (2002) –, avait déjà eu ce rôle de quasi-biographe du couple. Contacté par la dame avant la mort de son mari, il avait tissé cette supplique. « Encore un soir/Encore une heure/Encore une larme de bonheur… »
Ces couplets comme cette tournée ont un rôle cathartique. « Ces chansons sont comme des épaules sur lesquelles m’appuyer », insiste Céline, qui sent le besoin de parler avec le public. Pour évoquer son époux. Pour donner aussi le mode d’emploi du concert. « J’espère que vous aimez mon look », demande-t-elle (sur les réseaux sociaux, le pantalon et la veste noire sur un chemisier blanc n’ont pas emballé tout le monde). Contrairement au show qui a accaparé la chanteuse, depuis 2003, au casino Caesars Palace de Las Vegas, aucun changement de tenue n’est prévu pendant un spectacle où Céline dit vouloir rester elle-même.
Reprises de « Purple Rain »
Accompagnée de 29 musiciens divisés en une section de cordes, dirigée par le pianiste Scott Price, et un groupe de cuivres et de choristes, Céline Dion baisse de ton après ce climax introductif. Illustré de vidéos peu créatives, le récital se déroule sans relief jusqu’à l’un des classiques goldmaniens, Pour que tu m’aimes encore, rappelant à quel point le Français avait réussi à transcender la Québécoise, en lui suggérant la retenue.
Le show reprend enfin son envol. Une adaptation d’un morceau de son compatriote Robert Charlebois, Ordinaire, figurera dans le prochain album. Une façon de rappeler les origines modestes de la fille de Charlemagne (Québec), sa dépendance au métier de chanteuse, mais aussi son rapport privilégié avec ses fans – « J’aime mon prochain, j’aime mon public (…) Je me fous pas mal des critiques/Ce sont des ratés sympathiques. »
Longtemps moquée par le milieu branché, Céline ne serait pourtant pas loin de bénéficier d’un retournement de situation. Surtout depuis que Xavier Dolan a utilisé une de ses chansons, On ne change pas, dans le film Mommy. Elle n’aura bientôt plus à s’excuser d’être une athlète de la chanson sentimentale. Même si on continuera de ne pas s’excuser de trouver qu’elle surjoue son répertoire anglophone ou que son professionnalisme annihile souvent la spontanéité de ses émotions.
Après la jolie sobriété d’une session acoustique, violons et guitares se mettent au diapason d’envies rock volcaniques avec des reprises de Purple Rain, de Prince, de River Deep Mountain High, d’Ike et Tina Turner, et du Show Must Go on, qui, en 1991, signait les adieux pompiers de Freddie Mercury (1946-1991), le chanteur de Queen. « Le spectacle doit continuer », le message est on ne peut plus clair, avant un dernier adieu à René, avec S’il suffisait d’aimer, sous une grande photo d’elle enlaçant son époux, les yeux embués par l’ovation de la foule.
Concerts : les 24, 25, 28 et 29 juin et 2, 3, 6, 7 et 9 juillet, à l’AccorHotels Arena, Paris 12e (complet).