Jérémy Roy, sous la pluie, lors de la quatrième étape du Tour de France 2011. | JOEL SAGET / AFP

A quatre jours du départ de son neuvième Tour de France sous les couleurs de la FDJ, Jérémy Roy, membre du comité directeur du syndicat des coureurs professionnels français (UNCP), réagit aux révélations du Monde et de « Cash Investigation » sur les pratiques de Bernard Sainz, surnommé « docteur Mabuse ».

Etes-vous surpris par les informations selon lesquelles le docteur Mabuse travaille encore avec des coureurs français ?

Il y a toujours des bruits comme quoi des coureurs travaillent encore avec Mabuse. Mais je ne savais pas trop comment il travaillait. Ça a permis de mettre au jour ses méthodes : d’un côté il y a l’aspect conseiller, naturopathe, je veux bien l’entendre, mais de l’autre, le côté obscur, celui qui conseille des protocoles illégaux.

Vous doutiez-vous qu’il prescrivait des produits dopants ?

Il n’y avait que des ragots, disant que ça tournait surtout autour de prescriptions de corticoïdes. Mais le contenu de ces caméras cachées est plus que condamnable. C’est bien d’avoir mis au jour le fait que Bernard Sainz était vraiment, finalement, une personne qui faisait des choses interdites, puisqu’il n’avait jamais été condamné. Cela prouve qu’en termes de lutte antidopage, il ne faut jamais croire qu’on est arrivé.

Ce qui m’interpelle, c’est qu’il n’est que conseiller, il ne fournit pas les produits. Il aurait fallu pousser plus loin pour chercher les méthodes d’approvisionnement des coureurs. il faut aller jusqu’au bout des choses.

« L’équipe a la responsabilité de ne pas laisser le coureur seul »

Bernard Sainz le 20 juin dans sa demeure d'Almenèches dans l'Orne. ©Jérôme LALLIER | Jérôme Lallier pour "Le Monde"

Comment expliquer que Bernard Sainz puisse encore venir sur le Tour de France en toute tranquillité ?

C’est un historique. Il y a beaucoup d’anciens coureurs qui travaillent encore dans le cyclisme. Avant 1998, qui reste un point de bascule, un tremblement de terre, beaucoup de coureurs allaient voir cet homme. Ils ont encore des connivences, des points d’accroche, peut-être même se sentent-ils redevables, et ces anciens coureurs lui ouvrent les portes pour les événements.

Il opère en marge d’équipes que l’on pense structurées, armées pour aider les coureurs à faire face aux moments de faiblesse…

Peut-être que certains coureurs se rabattent sur lui parce que la lutte antidopage a été assez efficace sur certains points et, dans leur période de faiblesse mentale, ils essaient de se rapprocher de celui dont on parle, de l’historique. Peut-être pas toujours pour recourir au dopage, ça, je laisse chacun juger.

Les équipes n’ont-elles pas leur part de responsabilité ?

C’est en effet un point important. Il est étonnant que les coureurs concernés ne puissent pas ou n’aient pas eu la possibilité de se confier sur ces moments de doute, d’appeler à l’aide, n’aient pas pu prendre leur temps pour revenir à niveau. L’équipe a la responsabilité de ne pas laisser le coureur trop seul, car il se pose énormément de questions, en permanence, sur son état de forme. Quand on le laisse gamberger, un coureur faible peut être tenté de solliciter une aide extérieure.

Pour contrecarrer cela, des choses ont été mises en place dans certaines équipes. A la FDJ, il y a un préparateur mental qui respecte le secret professionnel vis-à-vis du manager. Il y a trois entraîneurs, une plate-forme dans laquelle on rentre nos commentaires tous les jours, plus un directeur sportif référent qui nous appelle régulièrement. On est censé ne jamais être tout seul. C’est un gros plus qui permet d’éviter ces dérives.

« Que l’UNCP le condamne »

Que souhaitez-vous qu’il se passe maintenant ?

J’espère qu’il y aura des suites et que les instances compétentes feront leur travail pour bannir cette personne qui nuit fortement au cyclisme et au sport en général. Il faut aussi condamner les coureurs qui vont le voir, qui font appel à lui pour avoir un protocole de dopage. Enfin, que notre syndicat le condamne…

Justement, le président de l’UNCP, Pascal Chanteur, assume sa proximité avec Bernard Sainz. N’est-ce pas un problème de la part du représentant des coureurs français ?

Tout à fait, on en a discuté à la dernière réunion. Il nous a dit ce qu’il vous a dit, à savoir que c’était l’un de ses amis, qu’il avait soigné son enfant et qu’il n’avait pas connaissance de faits de dopage. Il a ajouté que, dans ce cas-là, il prendrait acte et condamnerait les faits.

Peut-il, dans ces conditions, rester président de l’UNCP ?

Je ne sais pas. Je sais qu’il fait du bon travail pour nous représenter dans beaucoup de domaines, la sécurité, la reconversion, les assurances. S’il était au courant, c’est inadmissible. Mais personne ne peut être sûr de ce que fait son voisin.