Chronique. Les supporteurs de Jean-Michel Aulas disent qu’il excelle dans la communication, ses contempteurs qu’il s’y égare. Dans les jours précédant OL-PSG, le président lyonnais s’est multiplié dans les médias pour s’interroger sur « la régularité du championnat français, à partir du moment où le champion a vingt-cinq ou trente points d’avance ».

Au lendemain de la belle victoire lyonnaise (2-1), dimanche soir, le Paris Saint-Germain ne compte plus « que » treize points d’avance sur l’Olympique lyonnais – avec deux matches en retard. Il reste donc « dans l’irréel », selon la formule de JMA.

« Face au capital d’un Etat »

Cette campagne présidentielle s’est accompagnée de l’inévitable publication d’un communiqué, en réponse au directeur de la communication du PSG. Un exercice dont le club lyonnais a fixé les standards, au point de l’avoir fait entrer dans la culture populaire sous l’appellation de COOL (communiqué officiel de l’OL).

Dans ces communiqués, la fameuse « institution OL » est allègrement allégorisée : elle « s’amuse », « s’étonne », « rappelle », etc. En dépit de leur puérilité, les COOL ont fait école. C’est ainsi que le PSG s’est lui-même fendu, samedi, d’un laïus indigné à propos d’un sondage pourtant dérisoire sur Neymar.

Ces sarcasmes consommés, on ne doit pas s’interdire de donner raison à Jean-Michel Aulas quand il déplore que « face au capital d’un Etat, ça devient de plus en plus difficile de pouvoir lutter » ou que « le système pénalise l’OL ». Il est à la fois bien et mal placé pour émettre de tels griefs.

Jean-Michel Aulas recourt toutefois à des précautions de langage et se garde d’attaquer personnellement les dirigeants du PSG, qu’il assure de son respect, de même que l’UEFA – au sein de laquelle il affirme avoir soutenu la nomination de Nasser Al-Khelaïfi au comité exécutif. L’ambiguïté du président lyonnais commence là.

Dépassé par ses idées

A l’arrivée des Qataris à Paris, il avait fait passer ses inquiétudes après un certain enthousiasme quant aux perspectives – justifiées – de revalorisation de la Ligue 1.

Il a aussi toujours été très civil à l’égard des formations du gotha, que ce soit au sein de feu le G14, lobby des « grands » clubs actif entre 2000 et 2008, ou de l’UEFA. Il y a d’ailleurs cautionné la réforme de la Ligue des champions qui pénalise les clubs français… et dont il regrette aujourd’hui les effets.

Voilà le drame aulassien : se retrouver victime de l’évolution du football pour laquelle il a militée, sans avoir pressenti qu’elle allait exclure l’OL de l’oligarchie en gestation. Président moderne de la première révolution financière du football, il n’a pas anticipé l’imminence de la suivante.

La dérégulation et la libéralisation souhaitées ne prévoyaient en effet pas de garde-fous. Après les milliardaires et les fonds d’investissement sont venus des Etats dont la puissance financière et politique pouvait encore moins être contenue par le fair-play financier de l’UEFA. En somme, la concurrence est devenue un peu trop libre pour ne pas être complètement faussée.

Vices et vertus de « l’élitisme »

Après avoir lutté pour que les clubs les plus riches captent l’essentiel des ressources, Jean-Michel Aulas constate que cet enrichissement n’a pas de bornes. Acteur de l’affaiblissement des pouvoirs sportifs au profit de celui des clubs, promoteur d’un marché du football livré à lui-même, il en appelle maintenant à une intervention de la Ligue, de la Fédération et de l’Etat…

Défenseur invétéré de « l’élitisme [qui] profite à tout le monde » (propos tenus dans Le Monde en mars 2000, réitérés en 2015), il semble tellement revenu de la théorie du ruissellement qu’il évoque les « gilets jaunes » et la lutte des classes dans Le Progrès. Avec ironie, même s’il ne mesure peut-être pas toute l’étendue de celle-ci.

Ses revendications ont peu de chances d’aboutir, mais occuper le terrain permet aussi de faire diversion. Dans le statut incertain de l’OL, il a sa part de responsabilité. Sa gouvernance est mise en cause depuis plusieurs années, y compris par une partie de ses supporteurs, dont les critiques se concentrent sur les choix sportifs – en particulier celui de l’entraîneur Bruno Genesio.

A voir l’équipe de Fekir, Depay, Ndombele et Aouar évoluer à un tel niveau contre Manchester City ou Paris, on peut se demander pourquoi l’OL n’assure pas mieux la position que devraient lui procurer des structures solides, un centre de formation exceptionnel et un stade moderne. Car si l’OL n’est pas l’équivalent français du Borussia Dortmund ou de l’Atlético Madrid, le Paris Saint-Germain n’y est pour rien.