Le 21 juin, jour symbolique de la Fête de la Musique, l’annonce de l’annulation de l’Annecy Classic Festival, dont la septième édition devait se tenir du 23 au 27 août, a surpris tout le monde. Car la manifestation musicale annecéenne, qui battait de l’aile en 2010, avait alors bénéficié des retombées de l’Année de la Russie en France : la dotation par un mécène russe de quelque 500 000 euros. L’homme d’affaires Andreï Valerievitch Cheglakov, qui a fait fortune dans le business des jeux vidéo après la chute de l’URSS en 1991, possède une maison au bord du lac d’Annecy. C’est en outre un intime du chef d’orchestre Valery Gergiev et du pianiste Denis Matsuev, lequel s’est d’ailleurs amouraché du coin au point de se retrouver rapidement codirecteur artistique de la manifestation aux mains de son président « historique », Pascal Escande, en poste depuis 1998. L’entente cordiale est alors scellée avec la venue du prestigieux Orchestre philharmonique de Saint-Pétersbourg pour deux concerts d’ouverture sous la direction de Youri Temirkanov.

Cadeau princier et manières de roi : à l’époque, les édiles de la ville, en délicatesse avec Pascal Escande, n’ont pas jugé bon de fêter l’événement (ni le maire Jean-Luc Rigaut, ni son adjoint chargé de la culture, Dominique Puthot). Rien n’allait plus en effet entre la Mairie et son festival estival fondé il y a plus de quarante-cinq ans par la pianiste Eliane Richepin (1910-1999), belle-fille du poète Jean Richepin, avant sa reprise par Pascal Escande, également fondateur et directeur du Festival d’Auvers-sur-Oise (Val d’Oise) et du concours Piano Campus. Après douze ans de bénévolat et un financement pris pour partie sur celui alloué par la Ville d’Auvers-sur-Oise, l’ancien élève d’Eliane Richepin se disait prêt à jeter l’éponge.

Ingérence dans la programmation

Après six étés d’une programmation de niveau international, le revirement est dur. Que s’est-il passé ? Pascal Escande révèle dans une lettre ouverte au public les raisons du divorce. Elles sont financières. En effet, depuis le mois d’octobre 2015 et malgré de nombreuses relances, le solde de 210 000 euros du mécénat 2015 (sur un total de 860 000 euros), n’a toujours pas été versé par la Fondation AVC Charity. Pas de trace non plus, a fortiori, de la dotation affectée par AVC Charity au titre de l’exercice 2016. Le Conseil d’Administration s’est également ému d’une ingérence dans la programmation du festival. A la suite d’une rencontre organisée le 17 juin avec la mairie d’Annecy sans qu’aucun membre du CA ait été convié ou consulté, la fondation AVC Charity a en effet décidé de réduire le festival à quatre jours, préservant d’ailleurs en priorité la programmation russe – les trois concerts de la Philharmonie de Saint-Pétersbourg. Ne pouvant ni régler les factures en cours (121 398,54 euros) ni contractualiser ses engagements, le Conseil d’Administration réuni le 21 juin a voté à l’unanimité l’annulation pure et simple de la manifestation, afin de garantir la bonne gestion, notamment financière, du festival, « soucieux de ne pas engager la responsabilité personnelle, civile et financière de ses dirigeants, et désireux de préserver son identité et son avenir ». AVC Charity l’entendra-t-il de cette oreille ?