Léon Blum, l’homme du peuple
Léon Blum, l’homme du peuple
Par Philippe-Jean Catinchi
Julia Bracher et Hugo Hayat retracent le parcours intellectuel et sensible de celui qui incarne le Front populaire (jeudi 23 juin, sur France 3, à 23 heures).
Julia Bracher et Hugo Hayat retracent le parcours intellectuel et sensible de celui qui incarne le Front populaire (jeudi 23 juin, sur France 3, à 23 heures).
Impossible de commémorer la victoire du Front populaire et l’élan de l’été 1936 sans évoquer la figure de Léon Blum. Avec la science et la mesure qu’on lui connaît, le duo formé par Julia Bracher et Hugo Hayat se propose de camper la figure de l’homme politique le plus exposé et le plus violemment attaqué dans une époque pourtant peu avare en campagnes de haine et de dénigrement. Il s’attache à restituer le parcours et les engagements de celui qui incarne le Front populaire, même si son parcours a une tout autre dimension, de l’affaire Dreyfus à la refondation de la république parlementaire en 1945.
Si le documentaire annonce abruptement un « Léon Blum haï et adoré », le ton adopté ne surjoue pas le contraste d’images. Certes, on rappellera dans les pires moments de la campagne électorale des législatives de 1936 les appels au meurtre dont Blum est la cible, comme la tentative de lynchage dont il fut victime le jour des obsèques de l’historien maurrassien Jacques Bainville quelques mois plus tôt – pour le leader de l’Action française, Blum est bien « le juif à abattre ». Comme on entend la ferveur populaire dans le refrain du chansonnier Montéhus, soutenant le ministère, Vas-y Léon, repris sur le générique.
Un portrait moins polémique
Mais le portrait ici proposé ne privilégie pas les outrances, préférant restituer le parcours intellectuel et sensible d’un de ces juifs « fous de la république » pour qui le régime fait religion. Du critique de La Revue blanche à l’auteur d’un précurseur essai, Du mariage (1907), dont Vichy stigmatisera l’audace ; de l’apprentissage politique dans le sillage de Jaurès à la légitimité acquise en célébrant le grand orateur dont il se fait l’héritier ; du choc de la découverte d’un prolétariat dont il ignorait tout à la mission qu’il se fixe de n’œuvrer que pour lui – sans sacrifier à la démagogie, comme le souligne Robert Badinter –, ce Blum gagne en densité. Et l’évocation du procès de Riom, où l’accusé se fait accusateur, confondant ses bourreaux, comme l’épisode de la déportation en Allemagne en 1943, ne fait qu’enrichir un portrait moins polémique qu’annoncé.
A compléter par la lecture de l’essai aussi fin que personnel que lui consacre Pierre Birnbaum (Léon Blum. Un portrait, Seuil, 20 euros), initialement paru à Yale University Press (Léon Blum. Prime Minister, Socialist, Zionist, 2015) et tenu par l’historien américain Robert Paxton pour « la plus personnelle des biographies de référence ».
Léon Blum, haï et adoré, de Julia Bracher et Hugo Hayat (Fr., 2016, 60 min). Jeudi 23 juin, sur France 3, à 23 heures.