Nucléaire : EDF se rapproche du japonais Mitsubishi
Nucléaire : EDF se rapproche du japonais Mitsubishi
Par Jean-Michel Bezat
Les deux groupes ont signé un accord de coopération, qui doit se traduire par une entrée au capital du japonais dans Areva NP, la future filiale du géant français de l’électricité.
EDF se rapproche du fabriquant de réacteurs Mitsubishi Heavy Industries (MHI) dans le cadre de la restructuration de la filière nucléaire française. Les deux groupes ont signé, mardi 28 juin, un protocole d’accord destiné à resserrer leur coopération. Elle doit notamment se traduire par l’entrée du conglomérat japonais dans le capital d’Areva NP, future filiale du géant français de l’électricité. Un partenariat logique puisque MHI codéveloppe déjà avec Areva NP le réacteur de moyenne puissance Atmea (1 000 MW), censé compléter la gamme française à côté de l’EPR (1 650 MW).
Ce protocole d’accord prévoit « la participation potentielle de MHI, au titre de partenaire stratégique, dans la réorganisation du secteur nucléaire français, à travers l’acquisition d’une participation minoritaire dans le capital d’Areva NP », indique le communiqué publié à l’issue de la signature de l’accord par les PDG d’EDF, Jean-Bernard Lévy, et de MHI, Shunichi Miyanaga, dans le cadre de la World Nuclear Exhibition organisée au Bourget (Seine-Saint-Denis). China General Nuclear (CGN), constructeur et exploitant de centrales chinois, mais aussi partenaire historique d’EDF en Chine et sur le projet de construction de deux EPR à Hinkley Point (Royaume-Uni), s’est lui aussi montré intéressé par Areva NP, dont EDF ne souhaite détenir que 51 %.
Cet accord avec MHI fait aussi entrer EDF, grâce à sa filiale de construction de réacteurs, dans le projet de la centrale turque de Sinop. Le gouvernement d’Ankara a en effet retenu quatre réacteur Atmea-1 pour équiper sa centrale des bords de la Mer noire, la première (au sud) étant confiée au russe Rosatom. Sinop sera exploité par Engie, un concurrent direct d’EDF. Mais ce dernier n’a pas l’intention d’entrer au capital de Sinop. « C’est un travail d’ingénieur, de fournisseur de savoir-faire, impliqué dans la gestation de ce projet », a expliqué M. Lévy. EDF sera surtout impliqué dans la sûreté. « Le réacteur de référence pour la sûreté de l’Atmea turc sera Flamanville 3 », l’EPR en chantier dans le département de la Manche, a-t-il ajouté.
Carte de visite
Pour le patron de MHI, « le soutien d’EDF au projet Atmea marque une étape significative », car « il permettra le développement et la promotion de cette technologie au niveau mondial ». En dépit de ses difficultés financières et des ratés du chantier de Flamanville, EDF reste une belle carte de visite pour ses partenaires, qu’ils soient japonais ou chinois. MHI compte également s’appuyer sur l’expertise de l’électricien français pour jouer sa carte au Vietnam, notamment face à Rosatom et à Toshiba-Westinghouse.
Cet accord avec MHI est soutenu par l’Etat, actionnaire d’EDF à 85 %. Il confirme que le gouvernement croit dans cette filière et dans les projets d’EDF à l’international. Et d’abord outre-Manche, malgré le résultat du référendum sur le Brexit. « Aujourd’hui, juridiquement, la sortie de la Grande-Bretagne de l’Union européenne n’entraîne pas de conséquence sur Hinkley Point », a déclaré le ministre de l’économie, mardi matin, à l’ouverture du WNE. Emmanuel Macron affirme que le nucléaire a « de l’avenir » et il a même invité EDF à prendre « une décision rapide d’investissement » sur Hinkley Point.
Ce projet est très controversé au sein d’un groupe fragilisé par la baisse des prix de l’électricité – notamment en raison de son coût (22 milliards d’euros), dont les deux tiers financés par le groupe français et un tiers par CGN. Un comité central d’entreprise est censé se prononcer, lundi 4 juillet, sur ce projet, mais ses élus ont saisi la justice, estimant n’avoir pas reçu de la direction tous les documents nécessaires à une bonne évaluation du projet.